Savez-vous ce qui est mieux que de parler d’une passion? D’en jumeler deux! Au menu : chevaux et folklore! La légende du cheval (noir) bâtisseur d’église est tellement populaire au Québec qu’il est difficile d’établir avec certitude son origine.
Ce conte est présent sur les deux rives du fleuve Saint-Laurent, notamment à Saint-Augustin-de-Desmaures, Saint-Michel-de-Bellechasse (tiens, tiens…), Saint-Laurent-de-l’Île-d’Orléans, Trois-Pistoles, L’Islet et d’autres encore. Elle rappelle un peu la légende celtique du kelpie, ce qui n’a rien de surprenant quand on sait qu’un demi-million d’immigrants irlandais se sont installés au Québec entre les années 1816 et 1860.
Je ne me souviens pas de la première fois dont on m’a parlé de cette histoire. D’autre part, j’ai été fascinée par les chevaux dès que j’ai su faire la différence entre un chien, un cheval et une vache, alors ça n’a rien de surprenant.
Au Québec, nous avons les chevaux Canadiens, une race développée au 17e siècle avec des animaux importés de France. Physionomie robuste, tempérament vif sans être nerveux; on l’appelle aussi le petit cheval de fer et la race est considérée comme patrimoine agricole du Québec. Et soyons francs, entre les rigueurs du climat et le travail sur la ferme, les chevaux Canadiens le méritent!
Ce n’est donc pas surprenant que ces superbes bêtes aient inspiré les légendes : sur un chantier d’église, on accuse du retard, alors le prêtre passe un pacte avec le diable, ou alors c’est Notre-Dame qui lui apparait pour lui confier un cheval noir. En aucun cas, il ne doit être débridé, pas même pour boire de l’eau. On le dit rapide, infatigable et d’une force sans pareil. Il y a évidemment toujours un paroissien bien-pensant pour lui retirer son harnais, et le cheval se sauve à l’épouvante, parfois en sautant dans l’eau, laissant l’église inachevée.
Vu mon faible pour les chevaux, il allait de soi que j’inclus cette légende dans La Proie du Windigo, et c’est ainsi que Karl et Ellie font appel à Belmore pour les transporter de Québec à Montréal. Malgré tout, le cheval-bâtisseur ne pouvait pas être à l’honneur vu la dynamique entre les personnages principaux et la direction que prenait l’intrigue.
Je savais par contre que si je devais un jour revisiter cet univers, alors la légende du cheval bâtisseur y aurait son moment de gloire. Comme j’avais déjà la Coureuse des grèves qui me trottait (littéralement) dans la tête, j’ai cherché le meilleur moyen de les combiner sur la page.
Le défi n’a pas été très long à relever : l’une a les cheveux noirs, l’autre arbore une robe de jais; tous deux ont une affinité pour l’eau, et les deux sont présents dans la région de Chaudière-Appalaches. Il ne me restait plus qu’à leur trouver une raison de se rencontrer!
Tout comme pour Viviane Cormoran, il me fallait un nom avec une certaine signification. J’y ai été pour un nom typiquement judéo-chrétien, soit Zacharie, car tout un pan de l’histoire du Québec est imprégné de l’influence de l’Église catholique, et d’autre part, mon esprit tordu trouve amusant de semer le doute quant à la nature « démoniaque » du personnage folklorique…
Enfin, pour son nom de famille, je me suis tournée vers les chevaux (quoi, on ne peut pas toujours baigner dans la controverse) avec Morgan. Le Morgan est une race de chevaux de selle américaine, dont certains pensent qu’elle partage des ancêtres communs avec le Canadien. En effet, plusieurs spécimens se ressemblent à s’y méprendre.
Pour qu’il soit en mesure de suivre le rythme des aventures de Viviane, j’ai doté Zacharie d’une bonne dose d’assurance et d’audace. Il se fie à son instinct et il fonce, toujours prêt à défendre ceux qui lui sont chers.
Viviane et Zacharie se rencontreront dans le tome 1 de La Coureuse des grèves. «Les flots ensorcelés» sera disponible le 23 février 2023.