Les Plumes vous offrent Les Orageuses

Il y a deux ans déjà, Lyly Ford recrutait une quinzaine d’autrices de fantasy pour lancer un groupe le temps du mois de l’imaginaire. Les Plumes de l’imaginaire sont nées! Nous avons eu un plaisir fou, assez que nous avons décidé d’un commun accord de poursuivre l’aventure.

Cet été, C.C. Mahon a suggéré de mettre sur pied un recueil pour souligner l’anniversaire du groupe. Dix d’entre nous ont relevé le défi, car nous sommes toujours aussi passionnées qu’au premier jour. Nos horaires sont chargés, nos journées sont bien remplies. Il n’empêche que nous avons choisi de mettre la main à la pâte (ou le crayon au papier?) pour le plus grand bonheur de nos lectrices et de nos lecteurs!

Pour ma part, je planchais déjà sur une nouvelle dans l’univers du Windigo, alors ça tombait sous le sens de rester dans les parages. J’ai finalement décidé de revisiter un personnage que j’affectionne beaucoup : Sorcha Murphy, Sentinelle de la meute des Faoladh et précieuse alliée d’Ellie dans la trilogie originale.

Pour obtenir la recette parfaite, j’ai ajouté une valeur sûre : le Bonhomme Sept Heures. J’ai fouillé dans les archives et j’en ai sorti un trio de corneilles trouble-fêtes. Dans le folklore québécois, j’ai repêché la Dame aux glaïeuls, sombre revenante qui étrangle ses victimes par nuit de nouvelle lune. Enfin, du côté des légendes autochtones, j’ai recruté les foudroyants Kaqtukaq, des esprits de la tempête Mi’kmaq.

L’orage gronde! Découvrez un extrait de ma nouvelle « Froudre mystique« , disponible le 31 octobre 2022 dans le recueil Les Orageuses.


Mon souffle se condensa en buée tandis que je balayais la rue du regard. Ma patrouille était peut-être terminée, mais comme Sentinelle, je devais être alerte en tout temps. Mon frère avait payé de sa vie pour m’apprendre cette leçon. 

J’empruntai la rue qui me ramènerait à la limite ouest du quartier, près de la route de Fossembault. À cette heure, la circulation était éparse et le passage des voitures ne produisait qu’un discret grondement au loin.  

Aussi, je le remarquai aussitôt lorsqu’une voiture ralentit pour tourner. J’accélérai le pas pour atteindre l’intersection et arrivai en même temps qu’une Chevrolet Impala blanche des années 2010. Le modèle s’identifiait aisément, pas que je m’y connaissais, mais il avait été utilisé par la police locale aussi bien que nationale pendant plusieurs années. La voiture ralentit et s’arrêta à ma hauteur. Je sourcillai en reconnaissant le conducteur. La vitre s’abaissa et le vieil homme se pencha vers moi avec un sourire. 

— Mademoiselle Murphy, vous êtes resplendissante, comme toujours. 

— Monsieur Rodrigue, le saluai-je. Que nous vaut le plaisir de votre visite? 

Son sourire s’agrandit et des plis se creusèrent dans ses joues, signes d’une longue vie bien remplie. On aurait dit un gentil grand-père, mais la vérité n’aurait pas pu être plus différente. Le Bonhomme Sept Heures avait beau être un allié de la meute, il n’en restait pas moins une créature surnaturelle puissante. Le folklore le dépeignait comme un être maléfique et sinistre, un vagabond offrant ses services de ramancheur que les parents utilisaient pour menacer les enfants indisciplinés. Il replaçait les os, d’où la racine de son nom en anglais bone setter, et en échange, il se nourrissait de la douleur de ses patients. 

Jusqu’à l’an dernier, son rôle dans la communauté surnaturelle avait eu le même effet que sur les enfants : sa seule mention suffisait pour obliger les véritables monstres à bien se tenir.  

Comme aucune rencontre des Clans n’était prévue à court terme, la raison de sa visite pouvait aller de la simple courtoisie à l’annonce d’une catastrophe imminente. J’avais suffisamment confiance en sa loyauté à la meute, ainsi qu’en mes aptitudes au combat, pour m’approcher du véhicule. Il jeta un regard à la ronde avant de se pencher vers moi. 

— J’avoue que j’avais espoir de tomber sur une des Sentinelles plutôt que sur Christian lui-même, répondit-il. 

Je sourcillai à cet aveu, car s’il ne voulait pas parler au chef de la meute, il sous-entendait qu’il voulait notre aide, mais pas de manière officielle. 

— Je ne vous croyais pas si vieux que vous ayez besoin d’aide pour enterrer vos propres cadavres. 

Ses épaules tressautèrent à son rire silencieux. 

— Non, aucun décès cette fois. Du moins, pas pour l’instant. 

Son expression redevint sérieuse et il me tendit un bout de papier. Une adresse y figurait, celle d’un endroit de l’autre côté de la ville de Québec, à l’est, un peu avant le comté de Charlevoix. Je relevai la tête avec un regard perplexe. 

— Une créature se promène à Château-Richer et elle a causé du grabuge. J’ignore de quoi ou de qui il s’agit, mais c’est peut-être un Fae, voire un sauvageon. 

Je tapotai la note avec une grimace. Si un Fae s’amusait à semer la zizanie sur notre territoire, avec ou sans l’approbation de la reine Mab, la situation dégénérerait inévitablement en scandale politique. 

— Qu’est-ce qui vous fait penser à un Fae? demandai-je. 

— Une croix de chemin a été « vandalisée ». Plusieurs arbres aux alentours ont été foudroyés, trop pour que ce soit une coïncidence. L’autre possibilité, c’est que ce soit un démon en vadrouille, mais j’ai passé un appel à Ulfric et il m’assure que tout est sous contrôle de son côté. 

Je plissai les lèvres en considérant la fiabilité du chef des démons. Ces derniers étaient presque aussi retors que les vampires. Sauf que le Bonhomme Sept Heures avait une alliance de longue date avec eux et j’étais encline à le croire sur parole. 

— Et l’oiseau-tonnerre? 

— Aux dernières nouvelles, Sahale est en Colombie-Britannique pour arbitrer une dispute de territoire entre sasquatchs1

— Ça aurait été trop simple, raillai-je. Selon vous, la créature est-elle hostile? 

Ses doigts tambourinèrent sur le cadre de sa portière. 

— Difficile à dire. C’est suffisant pour attirer l’attention des résidents, et éventuellement celle des autorités. Mieux vaut intervenir tout de suite. 

J’acquiesçai et me redressai. 

— Je vous tiendrai au courant de mes découvertes. 

— J’ai toute confiance en votre discrétion, mademoiselle Murphy. 

Je haussai un sourcil sarcastique. S’il croyait que je ne mettrais pas Christian au courant de l’affaire, il se mettait le doigt dans l’œil. Son sourire se fit carnassier, mais il ne répondit pas, se contentant de remonter sa fenêtre. Je reculai d’un pas pour le laisser manœuvrer tandis qu’il faisait demi-tour pour reprendre la route principale. 

Comme protecteurs de la région, les Faoladh étaient souvent sollicités pour ce genre de mission. J’avais moi-même plus d’une fois enquêté sur ce genre de situation. J’irais jeter un coup d’œil, le plus tôt sera le mieux, mais l’idée d’y aller seule me semblait imprudente. J’agitai la note par-dessus mon épaule. 

— Ton avis? 

Des branches craquèrent lorsque Bryan sortit de sa cachette. Il inclina la tête pour étudier l’adresse. Son odeur naturelle de sauge, énergisante et pure, emplit mes narines, dissipant certaines de mes craintes quant à l’éventuelle menace présentée par une créature capable de manipuler la foudre. 

— Il reste environ trois heures de clarté, et le souper sera prêt à notre retour. 

— Qui a dit que je t’invitais? 

Une lueur amusée traversa son regard. 

— Tu peux demander à Rian de t’accompagner, mais tu sais que je suis le meilleur pisteur. 

Même si mon orgueil prenait un coup chaque fois, je devais admettre que Bryan avait le meilleur nez de la meute, et un sens inné de la traque. Avec un peu de chance, le mystérieux Fae nous donnerait assez de fil à retordre pour que j’oublie mes problèmes quelques heures. 

— Bien, mais on prend ma voiture. 

Bryan fronça le nez avant de hausser les épaules. Avec un sourire triomphant, je courus vers ma maison pour changer de tenue.  

Publié par Mélanie

Mélanie Dufresne est une auteur émergente de science-fiction et de fantastique. habite à Québec avec son conjoint et ses deux enfants. Entre la vie de famille et le travail, elle aime bien lire et faire de la randonnée.

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