Trois livres, ce n’est pas assez pour explorer toutes les possibilités offertes par le folklore québécois. Surtout quand on ajoute les cultures autochtones, qui possèdent un riche répertoire de légendes et d’histoires.
Dans la série du Windigo, les Shamans et leur magie sont à peine abordés, principalement parce que je trouvais le sujet trop important pour le mettre en second plan, mais aussi parce que cet aspect culturel est délicat à traiter dans le respect.
C’est pour cette raison que j’ai voulu écrire une nouvelle dans laquelle Ellie découvrirait une facette des cultures autochtones, tout en développant le côté fantastique des Shamans dans l’univers de la série Windigo. Il lui fallait donc une amie dans cette aventure, et c’est ainsi qu’a vu le jour Lou Ann, une jeune femme qui découvre son héritage culturel et magique.
Cette idée me trottait déjà en tête lorsque ma collègue écrivaine et amie Isabelle D. Boutin a lancé un appel de texte par le biais de sa maison d’éditions émergente, les Éditions Inusitées. Le recueil se veut une fenêtre sur le fantastique francophone, que ce soit québécois, canadien ou même français, et regroupe un total de 21 auteurs. La thématique des textes devait tourner autour du solstice d’été et le reste était laissé à l’inspiration des auteurs.
J’ai donc entrepris de faire des recherches, passant de la roue de médecine, à la purification par la fumée, les manitous, les esprits totems et plusieurs autres sujets très intéressants. L’Office national du film a d’ailleurs été une ressource fort inspirante grâce à sa collection en ligne et je vous invite à y jeter un coup d’œil. La dimension spirituelle chez les autochtones est fascinante et très inspirante. Comme le 21 juin est aussi la Journée nationale des peuples autochtones au Canada, cette thématique me semblait parfaite pour le recueil.
Bien sûr, mon histoire avait besoin d’un antagoniste et j’ai été piger dans les légendes celtiques avec le Cerf blanc. Cet animal mythique annonce généralement une quête spirituelle, et il échappe toujours à la capture dans les histoires. Comme mes personnages principaux Lou Anne et Ellie cherchent à définir leur rôle et leur place dans la communauté surnaturelle, je trouvais cet adversaire fort à propos.
La nouvelle s’intitule « L’éveil ». Je suis très fière de la savoir aux côtés de 20 autres nouvelles sur le thème du solstice d’été. Certains textes ont une saveur fantastique, alors que d’autres touchent au merveilleux ou encore au surnaturel. Au fil de ma lecture de ce collectif, j’ai été touchée, parfois troublée, mais surtout charmée par ces univers tous différents regroupés sous un thème commun.
Le livre est disponible en commande auprès de la maison d’édition, au format papier ou numérique. Vous pouvez aussi commander une copie papier dédicacée directment auprès de moi. (Mise à jour : l’édition était éphémère et elle n’est plus disponible. Contactez-moi si vous tenez absolument à lire la nouvelle.)
Je vous laisse sur un court extrait de la nouvelle.
Un craquement me fit tourner la tête. Je pouvais difficilement croire qu’Ellie parvenait à accomplir l’exercice alors qu’elle n’avait rien de tangible à y gagner. D’autant que je doutais que mon animal-totem puisse me contacter, malgré mes dons. Si une telle chose existait. Jeme redressai et ramenai les genoux contre ma poitrine. Tout ça était ridicule. Je m’étais laissée amadouer par Ellie et son discours rassurant, puis par les convictions de Grand-père et d’Annick, mais ces histoires ne m’appartenaient pas. J’allais aller au bout de cette soirée, puis, dans quelques jours, je contacterais Annick pour la remercier et lui dire que j’arrêtais mes démarches.
J’inspirai résolument. C’était mieux ainsi. Mes études prenaient déjà assez de temps et je savais que mes parents tenaient à ce que je maintienne mes performances. Les cours de langue étaient déjà une distraction, s’il fallait que j’ajoute les cours de… shamanisme? J’allais manquer de temps et d’énergie.
Un bruit sur ma droite me fit sursauter. Ça ne pouvait pas être Ellie. Je me tournai vers elle et repérai rapidement sa silhouette perchée sur sa roche, illuminée par le quartier de lune au-dessus des arbres. Une série de craquements me firent bondir sur mes pieds. Le chuchotement d’Ellie me parvint.
—Qu’est-ce que c’était?
Je retins mon souffle et tendis l’oreille tout en pivotant sur moi-même. Le sous-bois était si dense que le noir était presque absolu. Le craquement des branches et le murmure des feuilles signalaient le passage du vent. Un chatoiement entre deux arbres me fit arrêter. Je plissai les yeux et tentai de distinguer qui ça pouvait bien être. Si c’était Annick, elle avait fait un sacré détour pour arriver de ce côté. Le bruissement des feuilles mortes me signala l’approche d’Ellie. Je me tournai vers elle et pointai l’étrange lueur.
—Est-ce que c’est un chevreuil?
La silhouette ressemblait effectivement à un animal avec des bois. Un coup de coude dans les côtes ramena mon attention sur Ellie.
—Est-ce que ça pourrait être un animal-totem? Le Chevreuil est un des clans wendat.
Je retroussai le nez.
—Il n’y a pas de chevreuil en Amérique. Ce sont des cerfs de Virginie.
J’entendis son soupir exaspéré et ne pus retenir mon sourire. La créature se rapprochait et son contour était plus facile à discerner. Son encolure était massive et couverte de longs poils. Ses bois comptaient au moins une dizaine de pointes. Ce qui en faisait bel et bien un cerf. Sa blancheur éthérée le mettait toutefois fermement dans la catégorie du surnaturel. Ou alors c’était un phénomène de bioluminescence dont je n’avais jamais entendu parler. Des petits points lumineux tournoyaient autour de son panache, comme si une armée de lucioles le suivait.
—On devrait aller voir de plus près, chuchota Ellie.
J’acquiesçai, mais elle avait déjà pris les devants.