Bilan 6 ans

Oui, oui, vous avez bien lu! 6 ans depuis ma première publication. Quand j’ai commencé, je me suis dit “Je me donne 5 ans pour que ça fonctionne avant d’abandonner”. Et bien, ça a fonctionné! Plus que je ne l’espérais, même si c’est un peu moins que mes rêves les plus fous. Heureusement, l’aventure se poursuit. 😉 Que s’est-il passé cette année? Oh la la, le calendrier a été bien rempli. 

En écrivant le dernier bilan, j’étais sur le point de sortir le premier tome de Phoenix, ma nouvelle série dans l’univers du Windigo. Je pensais faire une sortie en avant-première sur ma boutique puis un lancement sur Amazon en janvier. Mais un souci technique m’a poussé à tout devancer et sortir le livre à la fin décembre. J’ai donc débuté l’année avec La captive du dragon sous le coude.  🤓

En janvier, j’ai lancé l’intégrale Dominix Kemp. J’adore le visuel, tout en mauve, avec la dorure holographique. Les ventes ont été plutôt modestes, car j’ai l’impression que ça rejoint une plus petite part de mon lectorat. Ça m’a poussé à étudier de plus près ce mes copines autrices font sur Ulule pour lancer leurs éditions collector. 🚀

Du côté de l’audio, Saga Storify a repoussé deux fois la sortie de La Proie du Windigo, alors les trois audiobooks ont été publiés de janvier à mars, plutôt qu’à la fin de l’automne 2024 tel qu’initialement prévu. Audible a demandé une exclusivité de 12 mois, alors la série est sur le point de connaître un 2e souffle sur toutes les plateformes. J’ai très hâte! Je n’ai par ailleurs pas encore reçu de rapport de ventes, ce qui est le propre de l’édition traditionnelle, bien connue pour son opacité et ses délais interminables, mais ça ne devrait plus tarder. 🎧

En février, j’ai lancé la version standard de l’intégrale de La Coureuse des grèves. J’aimais tellement le design du collector que j’ai repris la même couverture, mais pour éviter la confusion, je l’ai nommé Magie d’ombres et d’écumes. Après des débuts timides, cette intégrale a fini par trouver son public. Lors d’une offre Kindle Éclair en novembre, elle a séduit plus de 130 lecteurs en une journée! 😍

Juste avant le printemps, j’ai décidé de créer une version collector de la série Windigo et de la financer par le biais d’une campagne de sociofinancement sur Ulule. J’étais prête longtemps d’avance, ou du moins je le pensais, mais j’ai changé plusieurs éléments de la campagne au dernier moment… Notamment en ajoutant un prélude inédit, ce qui a modifié la mise en page du roman, mais ça en valait la peine. En revanche, la veille du lancement, je me suis retrouvée aux urgences avec un diagnostic de zona… à 38 ans! Le stress serait l’élément déclencheur, alors je vous avoue que j’ai une certaine hésitation à lancer une deuxième campagne Ulule. Quoique le montant amassé a dépassé toutes mes attentes, et j’ai été ravie de défoncer tous les paliers planifiés. 💚

Ma santé et, soyons honnêtes, les contraintes qui vont de pair avec une campagne Ulule m’ont obligé à ralentir la cadence du côté de l’écriture en mai et juin. J’ai mis le pilote automatique pour les réseaux sociaux à peu près en même temps, et j’ai profité de l’été pour souffler un peu. Quoique ce n’est pas tout à fait juste… 😅

En juillet, j’ai sorti le tome 2 du Phœnix Les chaînes du dragon. Quelques jours avant, mes ventes ont augmenté de manière importante, et je n’en ai pas trop fait de cas, jusqu’à ce que je jette par hasard un coup d’œil à Tik Tok. Un de mes carrousels de photos était à un demi-million de vues! En l’espace de quelques semaines, il a grimpé à 1,2 million de vues. Pour vous dire : quand j’atteins 1000 vues, je m’estime chanceuse! Des centaines de personnes ont plongé dans l’univers du Windigo et j’étais fascinée de voir la puissance de l’algorithme à l’œuvre. 😱

Pour la sortie de ce tome 2 du Phoenix, tout comme celle du tome 1, j’ai eu des problèmes techniques du côté de l’imprimeur avec l’édition spéciale. Le problème a mis des mois à être résolu et ça m’a poussé à remettre en question mes priorités et mes choix. À l’aube du temps des fêtes, j’ai choisi de simplifier : je délaisse Shopify (même si la boutique est très jolie) et je passe à PayHip. Les coûts sont moins importants en termes d’hébergement, surtout considérant le volume modeste de commandes que je traite. Je délaisse le merch et les goodies, car même si j’adore les créer et vous les offrir, ce n’est pas ce qui met du pain sur la table. 🙃

Fin novembre, j’ai décidé de vous offrir un petit cadeau de Noël d’avance en partageant le prélude inédit de Windigo. Ce dernier a été écrit pour la campagne Ulule, mais moins d’une centaine de personnes ont pu le lire jusqu’à maintenant, et je trouvais dommage de le garder dans mes tiroirs. J’espère d’ailleurs le mettre à profit en 2026 pour rejoindre de nouveaux lecteurs et les initier à l’univers du Windigo. 🎁

Dans les prochains mois, mon énergie sera consacrée à la révision et la sortie du tome 3 Les cendres du dragon. Puisqu’il s’agit de la conclusion de cette série, je pourrai ensuite me lancer dans un nouveau projet… et je n’ai pas encore décidé lequel! J’ai deux ou trois idées qui se chamaillent pour la première place, mais je me donne le temps d’y réfléchir. J’entame cette nouvelle année le cœur plein de gratitude et ouverte à toutes les opportunités. 🥰

En nerd assumée, voici l’année en chiffre :   

1 roman publié en français pour un total de 16 
1 intégrale standard pour la série La Coureuse des grèves 
2 intégrales collector pour Dominix Kemp et Windigo 
3 livres audio pour la série Windigo 
4 articles de blog  
409 abonnés Instagram, soit 75 nouveaux    
794 abonnés Facebook, soit 70 nouveaux   
1 067 abonnés à l’infolettre, soit 242 nouveaux  
2 484 abonnés Tik Tok, soit 1 516 nouveaux 
1 898 pages publiées   
Plus de 7 200 copies vendues en 2025, et un total de 34 000 en 6 ans! 
135 977 mots écrits, révisés, corrigés et édités – soit à peu près autant que l’an dernier, et 1 000 de plus que mon objectif! 

Un extrait de Les chaînes du dragon

Voici la suite tant attendue de la série Phoenix, après La captive du dragon. Ce tome 2 débute quelques mois après la fin du précédent. Kate et Jörmun ont bénéficié d’un sursis durant l’été, mais cette béatitude touche à sa fin lorsque le Roi-Mage convoque les États Parties à la cour. Kate devra arpenter les couloirs du Palais des Illusions pour en percer les mystères sans y laisser la vie.

Depuis les toutes premières pages de La Proie du Windigo, j’ai su qu’il me faudrait un jour explorer cet aspect de l’univers du Windigo, à la fois pour rendre justice à la quête d’indépendance des Clans, mais aussi pour plonger au coeur du mal qui ronge la communauté surnaturelle. L’heure est enfin venue de lever le voile sur les vices de la cour, sur les manigances des courtisans, et la vilenie du Roi-Mage.

Kate n’est plus la sorcière incompétente capturée par le dragon Terreur le soir du Solstice d’hiver à la Gare Viger. Mais elle n’est pas non plus en pleine possession des pouvoirs du phoenix. Quand l’heure viendra de choisir, aura-t-elle la force de briser ses chaînes? Ou se consumera-t-elle à jamais dans l’étreinte du dragon?

Voici un extrait du tome 2 Les chaînes du dragon.

Bonne lecture!


Je m’installai sur une des chaises longues. Le vent soufflait doucement, agitant les feuilles des plantes en pot qui décoraient la terrasse, mais pas assez fort pour troubler la mer qui s’étendait à perte de vue, d’un bleu aussi vif que le ciel. Le soleil déclinait, mais les pierres de la terrasse dégageaient encore la chaleur emmagasinée tout au long de la journée. Je fermai les yeux et me laissai bercer par le murmure des vagues et le chant lointain des mouettes.

J’hésitais à solliciter un domestique pour me faire servir un apéro lorsque l’électricité dans l’air me sortit de mes réflexions. Le feu qui ronflait toujours dans ma poitrine bondit à la rencontre de cette présence. Un frisson d’anticipation me parcourut et je rouvris les yeux : Jörmun. Ses cheveux blancs cascadaient librement dans son dos, signe qu’il avait abandonné son rôle de général pour le restant de la journée.

Son regard ambré me trouva sur la chaise longue et mon souffle se coupa sous l’intensité de son attention. Sa chemise blanche dessinait ses larges épaules, son pantalon noir épousait la courbe de ses cuisses fermes et musclées sous le tissu. Il déposa un coffret en bois sur la table, et se dirigea vers la rambarde du balcon pour observer un instant l’horizon, puis il prit place dans la chaise à mes côtés.

— Juste à temps pour le dîner, le saluai-je sur un ton badin.

Je mourrais avant de lui avouer que sa présence était le point culminant de ma journée, que mes attentes pour la soirée avaient explosé dès son apparition.

— Viens ici, ordonna-t-il.

Je croisai les bras et lui offris un sourire candide :

— Bonsoir, chéri. Comment s’est passée ta journée au travail? Tu m’as manqué aussi.

Le dragon sourcilla. Oups, je venais peut-être de dévoiler mon jeu. Avec un peu de chance, il s’arrêterait à mon impertinence et il ne relèverait pas le lapsus freudien. À ma grande surprise, il décida de jouer le jeu :

— La journée a été longue et dure.

— Je peux faire en sorte qu’autre chose soit long et dur pour te faire oublier ta journée.

L’expression de Jörmun s’éclaira et un grondement amusé lui échappa.

— C’est une offre alléchante, kjaere, mais nous devons discuter de quelques détails avant. Approche.

Cette fois, je lui obéis. Pas par servilité, mais parce que tout mon être le réclamait. Lorsque je le rejoignis, le feu en lui répondit au mien et je savourai l’intensité de cette chaleur dans tout mon être. Jörmun tendit la main et j’y plaçai la mienne. Il m’attira entre ses cuisses ouvertes et glissa ses mains sur mes hanches. Je déposai les miennes sur ses épaules pour me rapprocher davantage de lui, et je m’en félicitai lorsqu’il pressa son nez contre mon t-shirt, au-dessus de mon nombril. Mes paupières se fermèrent à ce geste en apparence anodin, car il se trouvait pile à l’endroit où le feu brûlait le plus fort en moi.

— Tu as fait de beaux progrès à l’entraînement, me félicita-t-il.

— Je m’améliore, mais est-ce que ce sera suffisant?

— Tu oublies que tu as déjà survécu à un premier passage à la cour.

— J’ignorais alors que j’étais le phœnix. Tu es bien placé pour le savoir, les secrets et moi, c’est comme multiplier zéro : on obtient toujours zéro.

Il glissa ses doigts sous mon t-shirt et caressa ma hanche. Un souffle de magie chatouilla ma peau, comme c’était souvent le cas en présence de Jörmun. Ce devait être dû à la quantité de magie qui l’habitait, à croire que le pouvoir s’échappait de lui par la moindre fissure. Il enlaça ma taille et je perdis le fil de mes pensées. Il releva les yeux vers moi.

— Ne te sous-estime pas. Nous avons eu des mois et non juste quelques jours pour te préparer.

Ma main se lova contre sa joue. Jörmun ferma les yeux et se détendit. L’espace d’un instant, on aurait dit un chat qui cherchait une caresse – un grand félin, féroce et dangereux, le prédateur ultime, le seigneur de la jungle – et je jubilai à l’idée d’avoir cet effet-là sur lui. Je me laissai bercer par cette illusion de tenir le dragon Terreur à ma merci, d’être le centre de son univers. Ce fantasme soulevait une nuée de drapeaux rouges, il déclenchait des clignotants d’alerte et des sirènes d’alarme, mais mon cœur n’en battait que plus fort, et je succombai à la tentation. Je goûtai ses lèvres avec les miennes, envoûtée par leur douce fermeté. Son odeur ambrée subjugua toutes les autres et je me perdis dans les sensations sensuelles. Il passa la langue contre le pli de mes lèvres et j’ouvris la bouche, capitulant sans réserve devant l’envahisseur, car je savais qu’il me servirait plus de plaisir que je ne pouvais en imaginer. Mais quelques secondes après, il recula, presque à regret, et je me rappelai qu’il voulait régler « quelques détails ». Je ne savais pas à quoi je m’attendais, mais certainement pas à ça :

— À la cour, tu ne pourras pas m’appeler par mon nom.

— Je peux t’appeler Général, offris-je.

— Non, ce serait trop impersonnel. Tu m’appelleras Maître.

Je me raidis et poussai contre ses épaules. Une seconde plus tard, et Jörmun avait attrapé mes deux poignets pour les maintenir dans le creux de mon dos. Je fronçai les sourcils et testai sa prise.

— Tu devras t’adresser à moi avec formalité à la cour, reprit-il. Sinon, je devrai te punir, et les courtisans voudront assister à ton châtiment. Crois-moi, il vaut mieux ne pas leur donner de prétextes.

Je secouai la tête.

— Je ne t’appellerai pas Maître.

Il inclina la tête et me considéra.

— Non, en effet. Le Phoenix ne devrait s’agenouiller devant personne.

L’intonation dans sa voix laissait deviner la majuscule au titre, comme s’il distinguait le rôle de la nature, que le fait d’accomplir la prophétie me faisait passer de la simple créature à une figure de proue.

— Si tu ne m’appelles ni Général ni Maître, alors nous devons trouver autre chose. Il y a toujours Sire, suggéra-t-il.

— Comme les vampires?

— Mm, en effet. Changeons de langue, déclara-t-il.

— Maître, master, maestro, c’est du pareil au même, le taquinai-je.

Il me servit un regard sévère.

— Optons pour la nostalgie; la moitié des courtisans ne se donneront pas la peine de chercher l’origine du titre et l’autre moitié sera fascinée par l’idée.

Il pressa ses doigts au bas de mon dos et massa les muscles encore tendus par ma séance d’entraînement. Je fermai les yeux et soupirai d’aise, prête à oublier cette conversation.

— Que dirais-tu de Haersir? poursuivit-il. C’est du vieux norrois pour désigner un chef de guerre.

Je haussai les épaules, plus intéressée par ses mains qui venaient de trouver un nœud. Jörmun coupa court à son massage, m’attrapa par la taille et je me retrouvai assise sur ses cuisses. Refusant de répondre à sa précédente question, je calai ma tête sous son menton, paupières closes, et me laissai aller au confort de ses bras. Il caressa mon dos, avec un ronronnement mi-amusé, mi-exaspéré. En cet instant, je n’avais besoin de rien de plus pour être heureuse. D’un côté le dragon, et de l’autre le soleil, la brise fraîche du large, et le parfum des fleurs, j’aurais pu passer une éternité ainsi.

— Le Roi-Mage est de retour à la cour et il a convoqué les États parties.

Ma béatitude s’évapora. Je scrutai son visage et notai la crispation de sa mâchoire, le pli de sa bouche et la dureté dans son regard.

— Ce fut un plaisir bref et intense de te connaître, raillai-je. J’espère qu’on se croisera dans une prochaine vie.

L’expression de Jörmun passa aussitôt de la froideur à l’exaspération. Mission accomplie. Je souris, et le dragon me servit un nouveau regard sévère.

— Ta sécurité est ma principale préoccupation, mais je ne peux pas pour autant refuser la convocation du Roi-Mage.

Je serais comme un chien dans un jeu de quilles à la cour, mais si je voulais déchiffrer la roue de l’ouroboros du grimoire Dragons et animaux mythiques, il me fallait le décodeur qui se trouvait dans les archives de la cour. La série de chiffres et de glyphes autour du serpent qui se dévorait la queue devait servir à autre chose qu’à une simple décoration, et je soupçonnais l’image de dissimuler bien des informations. Jörmun dut interpréter mon silence comme un refus, car il mit une main sous mon menton pour m’obliger à le regarder dans les yeux.

— Le Castello di cenere a été bâti sur les ruines du précédent château.

— Je sais, et tu as aidé à la reconstruction, raison pour laquelle les habitants te sont éternellement reconnaissants.

Il secoua la tête.

— J’ai dû attendre quelques générations avant d’intervenir, le temps de laisser les mémoires s’effacer, sinon j’aurais dû faire face au ressentiment des villageois plutôt qu’à leur gratitude, car le premier castello a brûlé par ma faute. Peu de temps après mon entrée au service des mages, j’ai établi mon quartier général ici. Sous le règne du 5e Roi-Mage, j’ai eu l’ordre d’anéantir une cabale de mages émergente. Rien ne justifiait leurs morts; j’ai demandé qu’on s’en tienne à un avertissement, quelques mesures punitives et une surveillance accrue. Le Roi-Mage s’est rendu à mes arguments. À mon retour au Castello, il ne restait plus rien. Les fortifications, les maisons, les récoltes, tout avait brûlé. Les hommes avaient été passés au fil de l’épée, les femmes violées, les enfants abandonnés.

— C’est… ignoble.

— C’est l’héritage de la lignée des Roi-Mages. Et c’est la menace qui pèse sur moi si je désobéis.

Ma gorge se serra. Je serais dévastée si les gens du castello devaient souffrir pour un de mes caprices. Ginevra, Declan, Finn, Sorin, Kassim, les gardes et les domestiques, ils avaient tous été bons à mon égard (à l’exception de Greta, mais elle avait payé sa traîtrise de sa vie). Ce serait une terrible injustice de leur infliger du mal en retour.

— Je viendrai à la cour, concédai-je.

Jörmun pressa ses lèvres contre mes cheveux et je fermai les paupières. Peut-être que ce geste n’était qu’une simple marque de reconnaissance, mais je me laissai bercer par l’illusion que cela signifiait bien plus. Ses paroles suivantes coupèrent court à mes divagations :

— Pour quelqu’un dans ma position, il est dangereux de s’attacher aux gens ou aux possessions matérielles.

Je me redressai pour m’éloigner, soudain submergée par un malaise à l’idée qu’il faudrait maintenir une distance entre nous à la cour. Il me retint d’une main sur la hanche.

— Je ne peux cependant pas laisser planer de doute dans l’esprit des courtisans.

Il prit le mystérieux coffret en bois sur la table et me le présenta. J’hésitai une fraction de seconde avant de céder à son invitation silencieuse. Le boîtier était trop gros pour un simple collier. Je glissai un doigt le long du couvercle et le soulevai. Sur un écrin de satin rouge reposaient deux bracelets manchettes en argent. Le contour sinueux d’un dragon ornait chaque bracelet, et des insertions d’or créaient l’effet de flammes. Sa gueule mordait un anneau qui se raccrochait à sa queue. Jörmun passa une main au-dessus du coffret.

Dimittis.

Le mécanisme se relâcha en cliquetant, offrant une ouverture suffisamment large pour que j’y glisse mon poignet.

— Ces bracelets t’identifieront comme étant à la fois ma prisonnière et sous ma protection. J’ai ajouté un enchantement pour camoufler ta véritable nature. Puisque les bracelets sont déjà magiques, personne ne remarquera la différence.

Il déposa le coffret, en sortit le premier bracelet et tendit la main vers mon poignet. J’avalai péniblement ma salive, assaillie par les doutes.

— Et si je commets un faux pas, et que tu en paies le prix…

— Kate.

— Ou que je me fais tuer avant de trouver le décodeur?

— Kate!

Je pinçai les lèvres sous le regard austère du dragon.

— La vie à la cour suit son propre rythme, me rassura-t-il. Tu auras des semaines, voire des mois, pour éplucher la bibliothèque royale.

Je hochai la tête. Jörmun m’avait effectivement expliqué le protocole, les cérémonies et toutes les formalités. À partir du moment où le Roi-Mage convoquait la cour, il fallait compter au moins deux semaines avant la tenue de la première audience formelle. J’aurais le temps de m’acclimater. Je soufflai un bon coup. Et me concentrai sur l’idée excitante d’explorer à loisir la bibliothèque la plus renommée du monde surnaturel.

Je lui offris mes poignets. Un sourire effleura les lèvres de Jörmun et un ronronnement vibra dans sa poitrine. Il glissa délicatement les bracelets et les referma.

— Coerceo.

La magie fourmilla sur ma peau quelques secondes. J’agitai les bras, surprise par la légèreté des bracelets. Je m’étais attendue à un contact froid et à ce qu’ils pèsent une tonne – aussi lourd que l’oppression qu’ils représentaient –, mais la sensation me rappelait celle des bracelets d’amitié en fils de coton. Grâce à la touche d’or, les bracelets en argent ne détoneraient pas avec ma boucle d’oreille manchette enchantée, même si mes cheveux la cachaient la plupart du temps. Jörmun effleura mes avant-bras, ce qui ramena mon attention sur lui.

— Ils te vont bien.

Ma poitrine se réchauffa à son compliment, mais la nervosité eut raison de ma langue, et je cédai à l’envie de l’agacer.

— Attention, je vais croire qu’il s’agit d’un fétiche.

Une lueur affamée traversa le regard du dragon.

— Tu ne soupçonnes pas les possibilités, kjaere. Les bracelets remplissent plus d’une fonction.

Mes yeux s’arrondirent et Jörmun sourit l’espace d’une seconde. Avant que mon imagination galopante ait le temps de s’emballer, il se remit sur pieds. D’une main sous mon menton, il inclina ma tête vers l’arrière.

— La cour n’a pas idée de ce que tu lui réserves. Tous les regards seront braqués sur toi, et même si tu commets quelques faux pas, je suis convaincu que tu te rachèteras autrement. Tu n’as pas le choix : c’est ta vie, ta liberté, la mienne, celle de ta mère, de mon frère.

— Pas de pression, chuchotai-je.

La tristesse assombrit son regard.

— Je te l’épargnerais si je le pouvais, kjaere, mais ça ne te rendrait pas service. Les diamants sont formés sous la pression. Un jour, tu éclipseras l’éclat de tous ceux qui t’ont précédée.

Je m’imprégnai de ses certitudes en espérant les faire miennes.

— Nous partons ce soir, dit-il.

Je sursautai, mon cœur tambourina plus fort contre mes côtes et dans mes tempes. La gamine en moi aurait voulu supplier, marchander, faire n’importe quoi pour repousser l’inévitable. Mais comme Jörmun l’avait mentionné, nous avions déjà bénéficié de plusieurs mois de sursis. J’étais résolue à faire face aux courtisans, la tête haute. Après tout, qu’est-ce qui pouvait m’arriver de pire? Tout cramer? J’avalai ma salive en ignorant les scénarios à la Game of Thrones qui me traversaient l’esprit. Je n’étais pas un agneau envoyé à l’abattoir, j’étais un phœnix, la sorcière la plus puissante, celle qui délivrerait ses semblables. Il ne restait plus qu’à m’en convaincre.

La série Phoenix

Késsako? 

“La captive du dragon” c’est un roman de près de 300 pages, une fantasy contemporaine – on pourrait presque dire une romantasy (fantasy romantique où le personnage principal est une femme). Il s’agit du premier tome de la série Phoenix (dragon, phoenix… c’est flamboyant tout ça 😉) qui s’inscrit dans l’univers du Windigo. On y retrouve donc les mêmes castes : mages, sorcières, Faoladh, vampires, Faes, enchanteresses, géants, démons et autres métamorphes. 

Dans “La chasse du Windigo”, la communauté surnaturelle québécoise se retrouve à la Gare Viger, le nid des vampires de Montréal, pour répondre à des questions en suspens et éclaircir certaines accusations. (Spoiler Alert) Pendant leur séjour, Karl et Ellie sont attaqués par des sorcières. On apprendra à la fin qu’elles sont de mèche avec Félicitée, la maîtresse du nid de vampires, mais qu’elles cherchaient à la doubler. Après l’exécution de Félicitée, le dragon Terreur repart avec une sorcière en dessous du bras, présumément pour la ramener à la cour du Roi-Mage, question de la faire témoigner contre les renégats. 

Vous êtes-vous déjà demandé ce qui est arrivé à cette sorcière? Moi oui!!! Et pas qu’un peu. 😆 Après l’écriture du tome 3 de la série Windigo, je m’étais pris une note pour écrire une nouvelle sur le dragon et sa sorcière. Une nouvelle. Vous savez, un truc de 5 à 15 000 mots, quoi. Nan, on oublie le projet. À l’heure actuelle, on parle d’une trilogie dont le premier tome fait 80 000 mots, mon plus long roman à ce moment! Je crois que j’avais deux ou trois trucs à raconter sur le sujet. 😛  

Le tome 2 sortira en juillet 2025, et il dépasse ce record de 4 000 mots! Dans ce 2e opus, Kate doit retrousser ses manches et affronter la cour du Roi-Mage, parce qu’il ne s’agit plus que de se sauver elle, mais bien toute la communauté surnaturelle du désastre imminent. 

Qui est Kate? 

Kate est une sorcière québécoise de 26 ans. Son coven habite en Beauce, une région de Chaudière-Appalaches au sud de la ville de Québec. La mission à la Gare Viger est d’ailleurs la première fois que Kate visite la métropole. La matriarche du coven se nomme Simone et elle s’occupe de Kate depuis que sa mère l’a abandonné à l’âge de deux ans. 

Malheureusement pour Kate, elle est une piètre sorcière. Son rôle au sein du coven se résume à passer le balai et à accomplir toutes les tâches les moins reluisantes. Elle enchaîne aussi les bêtises et les gaffes, ce qui la rend désespérée de se racheter aux yeux de sa matriarche, raison pour laquelle elle a accepté de participer à la mission de la Gare Viger. 

Lorsqu’elle ne travaille pas comme correctrice free-lance, Kate lit des romans de fantasy héroïque. Elle a une passion pour les histoires avec un ou une élue qui doit quitter son quotidien banal pour sauver le monde armé d’une épée en compagnie d’un vieillard barbu et énigmatique. Son plus grand talent se résume donc à lire 1000 mots par minute, talent qui va d’ailleurs lui sauver la vie… 

Qui est Jörmun? 

Le dragon Terreur est aussi surnommé le Bras armé de Sa Majesté par les courtisans du Roi-Mage, ou encore le Fléau du Tyran par les sorcières comme Kate. À titre de général de l’armée du Roi-Mage, il a la mission d’éradiquer les renégats qui menacent le trône. Sa réputation confirme son talent et son dévouement à accomplir son travail.  

Considérant que Karl, le Windigo, est son petit-fils, la position de Jörmun face aux Clans (les surnaturels séparatistes) est assez laxiste. En revanche, il ne peut montrer aucune pitié pour les renégats et les sorcières. Ces dernières sont les parias de la communauté surnaturelle : elles sont chassées, traquées, esclavagisées et exécutées sans merci. Lorsque Jörmun tombe sur Kate, il réalise aussitôt qu’elle n’est pas une banale sorcière. Il sautera sur la première occasion pour la capturer et la ramener au Castello di cenere, son repère, dans l’espoir qu’elle soit la solution à ses problèmes. 

Le Castello di cenere 

La forteresse du dragon Terreur est fortement inspirée des Cinque Terre en Italie. La tour de guet se dresse sur un promontoire au bord de la mer Méditerranée, le dernier endroit où Kate pensait se retrouver un jour. Le village aux alentours est peuplé de surnaturels à l’emploi du dragon Terreur, et tous lui sont fidèles. 

Le castello est une ancienne construction imprégnée de magie. Entre les passages secrets, les enchantements et la piscine, Kate aura de quoi se garder occupé. Et que dire de la bibliothèque du dragon… La Bête peut retourner se coucher. 😉  

L’endroit est sous l’intendance de Ginevra, une mage rigoureuse et organisée. La cuisine est sous la direction de Kassim, un géant des tempêtes au caractère aussi orageux que ses pouvoirs. Le capitaine de la garde est un dénommé Finn, un Fae espiègle et un redoutable combattant. Kate sera entre de bonnes m ains durant son séjour au castello

Vous avez dit allié inusité? 

Fidèle à moi-même, j’ai donné un compagnon à Kate. La pauvre, elle se sentait seule et dépaysée au castello… Dès sa première nuit, elle fait la rencontre d’un chat-gargouille. À l’image des grandes gargouilles, ces petites gargouilles domestiques veillent sur les demeures. De nuit, elles ont l’apparence d’un chat, et de jour, leur peau se recouvre d’une épaisse cuirasse. Grâce à cet allié, Kate pourra découvrir quelques passages secrets dans le Castello di cenere, et peut-être s’attirer quelques embrouilles. 😉  

La cour du Roi-Mage 

Le Roi-Mage est au sommet de la hiérarchie surnaturelle et il gouverne depuis le Palais des Illusions en Italie, un lieu politique où se rassemblent les mages les plus puissants et les plus influents. On y débat de stratégies, de répression, d’allégeances. C’est aussi un espace structuré et codifié, où tout écart est puni, parfois sévèrement. Les cabales – des groupes de mages soudés par des intérêts communs – y exercent leur pouvoir et entretiennent des rivalités constantes. 

Le trône du Roi-Mage n’est pas qu’un symbole : il permet de contenir l’énergie magique en présence. En effet, la cohabitation de plusieurs praticiens dans un même lieu provoque normalement des réactions dangereuses – incendies, ondes de choc, destructions massives. Grâce au trône, les mages peuvent se réunir sans risquer l’embrasement. 

Les mages règnent sur la communauté surnaturelle par la peur, la violence et l’exclusion. Leur domination est maintenue par une politique de contrôle strict, une armée bien organisée, et l’imposition de tributs aux autres groupes surnaturels : les Faes, vampires, métamorphes, géants et autres communautés doivent leur verser une part de leurs ressources ou de leurs effectifs. 

Les sorcières, comme Kate, y sont vues comme une menace, mais aussi comme un moyen de parvenir à leurs fins. Longtemps persécutées, elles sont aujourd’hui encore traquées, réduites en esclavage ou éliminées. Leur magie est jugée dangereuse et indigne de confiance. À la cour, elles n’ont pas droit de cité. 

Dans ce contexte, l’arrivée de Kate à la cour représente une opportunité aussi bien qu’une condamnation. Non seulement elle est une sorcière, donc marginalisée, mais sa nature de phœnix, si elle devait être dévoilée, en ferait la cible de tous, que ce soit pour l’utiliser ou l’éliminer.  

Où, quand, comment?

L’édition reliée avec jaspage du tome 1 est déjà disponible sur la boutique. L’ebook et le broché sont disponibles sur Amazon

Le combo “ebook et relié jaspé” du tome 2 sera en prévente sur ma boutique les 19 et 20 juillet. 

La sortie officielle du tome 2 est programmée pour le 24 juillet sur Amazon. Le ebook est disponible en précommande; recevez-le sur votre Kindle le jour même!

Un extrait du prélude inédit

Dans un premier temps, je tiens à remercier tous ceux et celles qui suivent la campagne Ulule de près ou de loin. Je vous rappelle que nous avons dépassé les 150%! Ça signifie que le livre relié avec jaspage est financé, et que nous avons débloqué la dorure! =D

Je tiens à remercier du fond du cœur tous ceux et celles qui ont contribué jusqu’à maintenant. Ce succès m’enchante et je suis ravie de vous savoir au rendez-vous pour ce superbe bijou livresque. Nous nous dirigeons maintenant vers l’objectif 200% : les pages de garde en couleurs!

Aujourd’hui, j’ai envie de vous partager un extrait du prélude inédit. Comme vous le savez, cette nouvelle se déroule juste avant le début du premier tome « La Proie du Windigo » et elle est narrée à double voix, ce qui signifie que les points de vue de Karl et Ellie s’alternent. C’est votre chance d’en apprendre plus sur notre beau et mystérieux windigo. 😉 

Ce qu’il faut savoir avant de lire l’extrait :

  • Ce prélude est inclus dans tous les packs de la campagne (si vous choisissez le relié, pas besoin d’acheter le prélude à part).
  • Il est exclusif à la campagne Ulule : il ne sera pas sur Amazon ni sur ma boutique.
  • Choisir ce pack est le plus bel encouragement que vous puissiez me témoigner. ❤ 

Bonne lecture!


Ellie

Un étudiant au physique d’athlète passa devant moi pour atteindre la caisse. Ce n’était pas la première fois que je le remarquais, mais chaque fois, j’étais fascinée, car avec cette grâce et cette aisance innée, il aurait fait pâlir d’envie n’importe quel loup-garou. La plupart des étudiants dans la file de la coopérative universitaire avaient leur nez plongé dans leur téléphone ou fixaient les étagères avec l’air absent de ceux qui s’apprêtent à sacrifier un rein pour des manuels hors de prix. Pas lui. Il parlait avec le caissier – pas juste pour passer le temps, mais comme s’ils se connaissaient. Et à en juger par le sourire du commis, ce n’était pas la première fois que cet étudiant mettait les pieds dans le commerce.

Je ne l’aurais peut-être pas remarqué s’il n’avait pas été si… calme. Pas passif, pas détaché, mais ancré. Mon quotidien était rempli d’individus sûrs d’eux, autoritaires, dominants : c’était le profil de la majorité des Faoladh, les métamorphes héréditaires, et j’étais une pupille de la meute. Je n’avais donc pas tendance à être facilement impressionnée par les gens qui dégageaient une aura de meneur. Mais cet étudiant tenait ses effets dans une main – un livre de statistiques avancées et deux cahiers lignés – et il se déplaçait avec une gestuelle efficace, presque militaire. Alors que la plupart des étudiants jonglaient maladroitement avec leurs achats, lui avait l’air prêt à conquérir la boutique.

J’avais remarqué ce mystérieux inconnu pour la première fois l’hiver dernier. Un de mes cours avait lieu en même temps que l’un des siens, dans des locaux voisins. Malgré cette opportunité hebdomadaire, je n’avais jamais trouvé le temps, l’occasion ou le courage de l’accoster.

À quelques jours de la rentrée universitaire, j’avais profité d’un temps mort avant mon cours de kickboxing pour terminer mes achats à la coopérative étudiante. J’étais venue chercher un carnet pour mon cours d’ethnographie, mais ma main était arrêtée sur la reliure en spirale depuis au moins deux minutes. Mon regard revenait inlassablement vers lui. Il n’avait pas bronché lorsqu’une fille l’avait abordé. Elle avait surgi de l’allée des accessoires « Made in Canada » avec un enthousiasme qui frisait l’agression. Je m’attendais à ce qu’il saute sur l’occasion pour fanfaronner – juste avant de l’interpeller, elle avait tiré son chandail vers le bas pour dévoiler plus de décolleté. Mais il lui avait adressé un sourire poli, une réplique presque amicale, puis s’était excusé pour aller payer. Sans arrogance, sans rejet humiliant. Elle était restée là, le poing sur la hanche, à le regarder s’éloigner comme si elle venait d’être victime d’un sort d’amnésie. Je me détournai avec un sourire en coin. À sa tête, elle n’était pas habituée à ce type de réaction. D’autant que l’étudiant avait le physique du frimeur par excellence – dans le genre je-lance-un-regard-et-tu-te-dévêts. Pas lui.

Une voix familière retentit derrière moi :

— Tu viens d’apercevoir ton avenir?

Je me retournai avec un sursaut pour me retrouver face à Geneviève, un sourire mi-moqueur, mi-complice aux lèvres. Ses cheveux blonds brillaient sous les néons et elle tenait une pile de cahiers dans les bras, sensiblement les mêmes que les miens puisque nous partagions la majorité de nos cours.

— Tu as terminé tes achats? demandai-je pour détourner la conversation.

Elle haussa les sourcils et se pencha sur le côté pour voir ce qui avait accaparé mon attention. Le mystérieux étudiant venait de sortir du magasin, son t-shirt tendu par ses épaules dessinées. Un professeur arriva en sens inverse – un de ceux du département d’anthropologie – et ils échangèrent quelques mots comme de vieux amis.

— Ah, Karl Bragason, remarqua Geneviève. Bon choix. Il est dans mon cours de socio-éco des systèmes autochtones. Il court, il lit, et il est bénévole au club d’escalade junior le dimanche.

Je haussai les sourcils. Tout ce temps à l’observer de loin, à me questionner, et Geneviève aurait pu me fournir son identité? Je me mordis la lèvre avec un regard de regret vers la porte. J’aurais dû prendre mon courage à deux mains et lui en parler dès la première fois que j’avais aperçu Karl sur le campus.

— Il est en quelle année? demandai-je prudemment.

— Fin de bac*, m’informa-t-elle. Un petit prodige. Il mène une recherche dirigée sur les modèles économiques hybrides dans les communautés nordiques. Le prof Paradis l’adore.

Je hochai la tête, séduite. Un étudiant en économie, à l’aise avec les profs d’anthropologie… Il n’était pas juste beau, il était intéressant. Geneviève me fixa, les yeux plissés.

— Tu comptes aller lui parler?

Je louchai vers la sortie que Karl avait empruntée. Trop tard, il avait disparu dans le pavillon.

— Non. Je n’ai pas envie de passer pour une groupie de plus.

— Tu es sûre que tu ne veux pas qu’on organise une activité sociale où il serait « accidentellement » invité?

— Je ne suis pas exactement le genre fille à faire les premiers pas, grimaçai-je.

Geneviève éclata de rire.

— Tu veux dire, à part s’il s’agit d’une réserve de chocolat et d’un livre d’histoire obscure?

Je haussai les épaules, elle n’avait pas tort. J’étais bien plus à l’aise avec les morts qu’avec les vivants. Surtout les vivants séduisants et mystérieux. Elle me donna un coup de coude complice.

— Je peux te le présenter, si tu veux.

Je secouai la tête, déjà en train de ranger mon carnet dans mon panier.

— Je crois que je vais observer un peu d’abord. Discrètement.

Geneviève me fixa un moment, puis hocha la tête comme un général prêt à soutenir un plan de mission.

— Très bien, détective. Opération Bragason commence maintenant.

Je rougis jusqu’aux oreilles, mais je sortis de la coopérative avec un sourire. Peut-être que je ne lui avais pas parlé aujourd’hui, mais le trimestre débutait la semaine prochaine. Même s’il était en dernière année, ça me laissait jusqu’en avril prochain pour trouver le courage de lui parler. J’allais découvrir qui était Karl Bragason. Et pourquoi mon instinct, que je savais affûté à force de côtoyer des prédateurs, me disait qu’il n’était pas tout à fait comme les autres.

* Au Canada, le baccalauréat est un diplôme de 1er cycle universitaire, et il équivaut à un Bac+3 en France.

Pour lire la suite, contribuez à la campagne en choisissant n’importe quel pack! Le format ebook sera livré en juin et le texte sera inclus dans le livre relié.

Une édition collector pour les 5 ans de la série Windigo

C’est fou comme le temps passe. Voilà déjà cinq ans que le premier tome de Windigo a vu le jour! Cinq ans de suspense, de surnaturel, de loups-garous, d’humanité et de frissons. Cinq ans de lectures, de partages, de messages touchants. Et pour souligner cette aventure, j’ai décidé d’offrir à la trilogie un Extreme Makeover digne de ce nom.

🎉 Une intégrale collector… et pas n’importe laquelle!

Avec la complicité du talentueux MC Damon (oui, le même graphiste que pour La Coureuse des grèves), j’ai concocté une édition reliée au format collector : un ouvrage soigné, avec jaspage, qui rassemble non seulement les trois romans principaux, mais aussi les six nouvelles de l’anthologie, pour une immersion complète dans l’univers du Windigo.

Et ce n’est pas tout!

Pour marquer le coup, j’ai replongé dans cet univers que j’aime tant, et j’ai écrit un prélude inédit d’environ 6000 mots : À l’ombre du pouvoir. Il s’agit d’une nouvelle exclusive qui se déroule juste avant les événements de La Proie du Windigo, mettant en lumière certains détails restés dans l’ombre. On y suit Ellie et Karl, chacun de leur côté… ou presque.

🌒 Pourquoi Entre l’ombre et le pouvoir?

Le titre de cette édition collector n’a pas été choisi au hasard. Il fait écho à cette position si particulière qu’occupe Ellie : entre les Clans et la Faction, entre la protection et la manipulation, entre l’ombre… et le pouvoir. Le prélude, À l’ombre du pouvoir, explore justement cette zone grise où nos deux protagonistes gravitent, sans encore se croiser.

Vous êtes plusieurs à m’avoir demandé si Karl et Ellie se retrouvent ensemble dans cette nouvelle… La réponse est non — mais pas parce que je ne voulais pas! À ce moment de l’histoire, Karl ignore tout d’Ellie, et la magie qui la protège l’empêche même de la remarquer. J’ai donc opté pour un jeu de miroirs : les scènes sont racontées tour à tour du point de vue d’Ellie, puis de Karl, offrant ainsi deux lectures parallèles. Et peut-être quelques clés supplémentaires…

🚀 Une campagne Ulule pour un projet ambitieux

Pour rendre ce projet possible, j’ai choisi de lancer une campagne de sociofinancement sur Ulule, qui se déroule du 28 avril au 5 juin 2025. Si vous ne connaissez pas encore cette plateforme, elle permet à des projets créatifs d’exister grâce au soutien direct des lecteurs. En gros : vous choisissez une contrepartie (ex. : l’intégrale reliée, le prélude numérique, un pack avec goodies…), vous payez maintenant, et vous recevez votre trésor une fois le projet financé et produit. 🎁

Cela me permet de couvrir les frais de production dès le départ (graphisme, impression, goodies), tout en vous offrant une expérience personnalisée et pleine de surprises!

Au moment d’écrire ces mots, la campagne est déjà à 127 %!🥳 Vous êtes donc assuré de recevoir la contrepartie de votre choix.

📦 Des contreparties pour tous les goûts

Voici ce que vous pouvez obtenir via la campagne, selon votre budget et votre degré de fanitude :

  • Le prélude seul (ebook) → 3,15 € / 5 CAD
  • L’intégrale reliée sans goodies → 35 € / 55 CAD
  • L’intégrale avec goodies → 42 € / 65 CAD
  • Pack Early Birds (avec 2x plus de goodies!) → 50 € / 80 CAD
  • Pack DUO avec La Coureuse des grèves et Windigo → 85 € / 135 CAD
    (valeur réelle : 150 € / 200 CAD en format broché!)

Et je vous le promets : mes enfants valident les goodies. 😄 Ils ont déjà tenté de me voler les porte-clés et les magnets… Ce n’est pas peu dire!

Les visuels des illustrations — dont certaines représentent Karl, Ellie, Bastien et Sorcha — seront dévoilés très bientôt sur mes réseaux sociaux, probablement à l’occasion d’un Live.

🔔 Attention : le pack Early Birds est limité à 20 exemplaires. Si vous le voulez, ne tardez pas!

📊 Pourquoi cette campagne est avantageuse?

Vous me connaissez, j’ai sorti mon bon vieux tableau Excel pour comparer les options et m’assurer de vous proposer un rapport qualité-prix optimal.

Pour vous donner une idée :

  • Acheter les trois tomes séparément + les nouvelles vous coûterait environ 60 € / 85 CAD en format broché.
  • L’édition collector les rassemble pour moins cher… avec bonus en prime!
  • Le pack DUO, quant à lui, propose les deux séries complètes en format relié + tous les goodies, à presque moitié prix.

Bref, j’ai fait ma nerd pour vous offrir le meilleur deal possible. 😄

✨ Le mot de la fin

Ce projet me tient énormément à cœur. Il marque une étape importante dans ma carrière d’autrice, et je suis heureuse de pouvoir le partager avec vous, lecteurs et lectrices fidèles, qui avez accompagné Ellie, Karl et tous les autres depuis leurs premiers pas.

Windigo a été une série pivot pour moi. Elle m’a permis d’explorer des thèmes plus sombres, de tisser des intrigues plus complexes, et de créer des personnages plus ambigus. Et aujourd’hui, grâce à vous, elle s’apprête à revêtir ses plus beaux habits.

Merci du fond du cœur à ceux et celles qui ont déjà soutenu la campagne. Merci à ceux qui hésitent encore, mais lisent ces lignes avec curiosité. Et merci tout simplement d’être là, d’aimer mes histoires, et de me permettre d’en écrire d’autres.

Bilan 5 ans

Et voilà que s’achève une autre année, la 5e de cette aventure d’écriture et d’édition! C’est une année charnière, et pas simplement en raison du chiffre, mais parce qu’elle marque la conclusion de ma 4e série, La Coureuse des grèves, dont le 5e tome est paru cet été, de même que le lancement de ma 5e série Phoenix

Lorsque j’ai planifié 2024, je savais que mon rythme de production changerait : les tomes de La Coureuse des grèves comptent environ 50 000 mots, soit 200 pages. Je me doutais que la série Phoenix exigerait des tomes plus volumineux vu la nature de l’intrigue. Comme je dédie déjà un maximum de temps à l’écriture et que je ne peux pas aller physiquement plus vite, je devais prévoir plus de temps par roman : il n’y a pas que l’écriture qui soit plus longue, mais aussi les phases de révision et d’édition. Si en écriture, je devais restée concentrée sur l’objectif, côté publication, j’ai adopté une stratégie plus diversifiée. Dès le début de l’année, j’ai soumis la série Windigo à Saga Storify qui ont très vite accepté de publier la série au format audiobook. J’ai ensuite lancé ma boutique Shopify pour y offrir des éditions exclusives. J’ai aussi testé Tik Tok vu le succès de certaines copines, mais j’avoue n’y aller que lorsque l’envie me prend. 

En mars sortait le tome 4 de La Coureuse des grèves “Le torrent captif”. Le tome précédent avait laissé bien des lecteurs et des lectrices frustrés en raison des complications entre Viviane et Zacharie. Ce tome a permis à notre couple phare d’explorer leurs blocages et de surmonter les obstacles qui les séparaient.  

En mai, j’ai pris part à une retraite d’écriture avec mon amie et directrice littéraire Nathy, ce qui m’a permis d’ajouter 10 000 mots au manuscrit de “La captive du dragon”. Malheureusement, en juin, j’ai fait une pneumonie qui a semé une jolie pagaille dans mes plans. Ça n’a toutefois pas affecté la sortie du tome 5 de La Coureuse des grèvesLa cascade déchaînée” puisque tout était prêt. Ou presque : j’ai raté mon graphiste de quelques jours et il était en vacances au moment où je finalisais les fichiers pour le livre papier, donc la sortie de ce format a été retardée. Les lecteurs et les lectrices lui ont malgré tout fait un très bel accueil avec d’excellentes critiques pour la conclusion de cette saga. 

En août, j’ai repris le dessus : ma santé s’est replacée, mon imagination a recommencé à fonctionner, et dès la première semaine de septembre, je terminais le manuscrit de “La captive du dragon”. À ce moment, j’ai lancé un coffret des trois premiers tomes de La Coureuse des grèves au format ebook sur Amazon. J’ai aussi concocté l’édition intégrale de luxe, ce qui a été bien plus long et complexe qu’initialement prévu. Ce petit bijou m’a causé quelques cheveux blancs et il n’a été disponible qu’à la mi-octobre. Mais il est tellement joli à regarder sur les étagères de ma bibliothèque que je lui pardonne volontier! 

La boutique Shopify offre de belles possibilités, mais elle vient aussi avec son lot de complexité : gérer les taxes par territoire, (je ne parle même pas des frais de douanes), assurer la liaison avec l’imprimeur, gérer la qualité des livres, etc. La boutique a beau être un bel ajout, il y a encore plusieurs aspects à travailler. Et ce sont ces petits soucis techniques qui ont bousculé mes plans en décembre pour la sortie de “La captive du dragon”. À moins d’une semaine d’avis, j’ai renversé la vapeur sur la prévente exclusive pour sortir le livre plus rapidement que prévu sur Amazon. En rétrospective, c’était la bonne décision, mais ça a quand même bousculé mon horaire durant une période déjà bien chargée. 

Malgré les obstacles et les revirements, ce fût une année très productive et j’ai atteint tous mes objectifs. Je tourne la page avec satisfaction et j’ai très hâte d’accueillir 2025. 

En nerd assumée, voici l’année en chiffre :   

1 contrat signé pour la production audio de la série Windigo 

1 intégrale publiée pour la série La Coureuse des grèves 

3 romans publiés en français pour un total de 15 

7 articles de blog  

334 abonnés Instagram, soit 19 nouveaux    

724 abonnés Facebook, soit 363 nouveaux   

825 abonnés à l’infolettre, soit 366 nouveaux  

968 abonnés Tik Tok 

1 464 pages publiées    

Plus de 9 000 copies vendues en 2024  

136 476 mots écrits, révisés, corrigés et édités – soit 16 000 de plus que mon objectif! 

Un extrait de La captive du dragon

Après la trilogie Windigo et la saga La Coureuse des grèves, la toute nouvelle série Phoenix vient étoffer mon univers de fantasy contemporaine. Le premier tome « La captive du dragon » fait ses débuts le 19 décembre 2024.

Ce premier tome reprend les événements du Solstice d’hiver de « La chasse du Windigo », car les événements de la Gare Viger se terminent sur l’exécution de la maîtresse des vampires et la capture d’une sorcière par le dragon Terreur.

Qu’est-il arrivé à cette sorcière? Que faisait-elle là ce soir-là? En fait, il y a tant de questions à se poser sur les sorcières, sur la cour du Roi-Mage, surtout vu le rôle du dragon et ses relations complexes avec les Clans indépendantistes.

J’espère que votre curiosité sera aussi brûlante que ma joie d’écrire cette histoire.

Je vous offre un extrait du 2e chapitre. Bonne lecture!


Ma carrière d’agent secret venait de partir en fumée avant même d’avoir commencé. J’étais la pire espionne de la Terre, un échec cuisant en matière de subtilité et d’efficacité. J’étouffai un grognement embarrassé en repensant à ma rencontre avec cet étranger au charisme bouleversant. Un regard, et mes neurones s’étaient liquéfiés. Il devait me croire complètement inepte. D’autant qu’il m’avait surprise à la sortie de ma cachette.

Mortifiée. Voilà le seul adjectif pour décrire mon état.

Je me dépêchai de traverser les corridors de la Gare Viger. La construction originale remontait à la fin du 19e siècle, moment auquel elle avait servi d’hôtel de luxe aussi bien que de terminus ferroviaire. L’architecte s’était visiblement inspiré des châteaux européens, avec la façade toute en tourelles et en pignons. Vingt ans plus tôt, l’ancien hôtel avait été racheté et converti en quartier général par le nid de vampires de Montréal. En ce 21 décembre, le gratin des créatures surnaturelles de la province de Québec s’était rassemblé. Faes, vampires, démons, métamorphes, mages, et même une humaine. Le mot courait qu’un des groupes présents avait convoqué tout le monde pour révéler… quelque chose. Je n’étais pas dans la confidence, et je n’avais écouté que d’une oreille lorsque la matriarche avait donné les détails de la soirée que nous devions infiltrer. Une preuve de plus que j’étais la pire candidate pour la mission de ce soir.

Une femme tourna le coin en même temps que moi et je freinai juste à temps pour éviter la collision. Mon pouls s’affola, et je m’apprêtai à inventer n’importe quel mensonge pour expliquer ma présence quand je reconnus Emma. Son expression offusquée m’arrêta.

— Kate, qu’est-ce que tu fais là? Je te cherche partout!

— Baisse d’un ton, soufflai-je avec un regard à la ronde.

Heureusement, le corridor était désert, car le service du dîner venait de se terminer et les convives n’avaient pas encore quitté la salle de réception. Emma mit les mains sur ses hanches et me lança un regard de reproche. Elle portait le même uniforme de serveuse que moi. Des frisottis blonds s’échappaient de sa coiffure malmenée par le défi de servir une centaine de repas, alors que nous n’avions jamais fait ça de notre vie. Malgré tout, Emma s’en sortait mieux que moi dans le département des espions en herbe.

— Nathan a tenu un caucus pour préparer le reste de la soirée, et tu n’y étais pas.

Elle plissa les yeux et me pointa du doigt.

— Pourquoi est-ce que tu es toute rouge? Qu’est-ce qui s’est passé? Qu’est-ce que tu as encore fait?

Mon visage s’enflamma de plus belle et je m’éclaircis la gorge.

— L’appel de la nature… J’ai croisé un invité sur le chemin du retour.

— Et?

— Et, rien du tout.

Son expression se métamorphosa en sourire coquin.

— Tu le trouves à ton goût. Allez, avoue. De qui s’agit-il?

Je haussai les épaules.

— Aucune idée. Grand, cheveux longs blancs, habillé pour aller à l’opéra – tu sais, un veston en queue de pie.

La mâchoire d’Emma tomba et elle agrippa mon bras assez fort pour me faire mal. Je sifflai tout bas et elle me relâcha, puis elle scruta les alentours, car l’épais tapis vermillon étouffant les bruits de pas, il ne serait que trop facile d’être surprises par un invité. Elle tira sur une épaisse tenture de velours et m’entraîna dans une alcôve occupée par un énorme vase à fleurs gothique.

— C’est Jörmun, le dragon Terreur.

Mes yeux s’arrondirent. Je pouvais oublier tous les scénarios romantiques qui avaient traversé mon esprit après avoir croisé son regard sulfureux. Mon attirance pour lui venait de s’éteindre sous une douche glacée. Car l’histoire de Roméo et Juliette aurait l’air d’une comédie en comparaison de la seule fin qui pouvait m’attendre avec le dragon : non seulement j’en mourrais, mais il planterait de ses propres mains la lame dans mon cœur – avec le sourire aux lèvres, à n’en pas douter. Ce n’était même pas envisageable d’être « des opposés qui s’attirent ». Son impact sur ma petite existence tranquille serait de dix sur l’échelle de Richter : il était le Bras armé de Sa Majesté le Roi-Mage, le Général des forces de frappe du tyran qui régnait sur la communauté surnaturelle, tandis que j’appartenais à la caste la plus détestée, bannie et chassée à vue, celle des sorcières.

Les surnaturels se divisaient officiellement en deux groupes : la Faction, fidèle au Roi-Mage, et les Clans, qui souhaitaient obtenir leur indépendance. Dans les coulisses, des cellules de renégats s’activaient à nuire à tout ce beau monde, une des raisons qui réunissaient les deux groupes ici ce soir. Et dans les ombres de ces coulisses, il y avait les sorcières, vouées à la clandestinité et à l’oppression. Contrairement à la croyance populaire, la chasse aux sorcières n’avait pas pris fin avec l’abolition de l’Inquisition. Nous étions les parias du monde surnaturel, sans possibilité d’offrir notre allégeance à un groupe ou à un autre. C’était précisément ce que notre matriarche voulait changer avec notre intervention de ce soir.

Emma secoua mon bras pour me sortir de mon silence.

— Qu’est-ce que tu lui as dit?

— Rien! Il ne sait même pas qui je suis.

La consternation me glaça le sang en repensant à sa question :«Quel est ton nom?»Avec cette voix grave et envoûtante. Tout mon être s’était emballé à l’idée de répondre à sa demande, pour obtenir son approbation. Le simple souvenir de cet échange suffit à ramener un peu de chaleur dans mes joues. Emma fronça les sourcils.

— Pourquoi tu rougis? Oh, mon dieu, tu n’étais pas aux toilettes : tu t’étais cachée pour lire!

Je grimaçai. Ce n’était pas la raison de mon trouble, mais c’était effectivement la raison pour laquelle le dragon m’avait surprise à la sortie d’un placard à balais.

— Kate, franchement, c’est ridicule. Sors la tête de tes livres et concentre-toi sur la mission.

Ma main se porta sur mon smartphone caché dans ma poche arrière (l’arme du délit), et mes épaules s’affaissèrent de culpabilité. Ces paroles, bien que prononcées par Emma, faisaient écho à ce que Simone, notre matriarche, m’avait dit avant de partir. Tout le coven connaissait ma passion pour les romans héroïques. Comment ne pas aimer ces jeunes hommes et ces jeunes femmes qui rencontrent un vieux sage barbu, alors que plus rien ne va dans leur banale existence, et qui se font expliquer qu’ils sont destinés à de grandes aventures, armés d’une épée magique? Aucune chance que ça m’arrive; j’avais une bonne dizaine d’années en trop pour être la candidate idéale à ce genre de scénario, mais ça ne m’empêchait pas de dévorer tous les livres avec un ou une élue. En fait, m’évader dans un monde fantaisiste me paraissait préférable à la folie de notre mission actuelle.

— Je ne sais même pas pourquoi Simone m’a incluse dans l’équipe, maugréai-je.

Emma me fusilla du regard.

— Tu sais pourquoi.

Ma gorge se serra et des picotements prirent d’assaut mes yeux. Je suspectais Simone de me donner une ultime chance de prouver mon utilité au coven. Ces derniers mois avaient été difficiles, et j’avais enchaîné les incidents. De manière isolée, ce n’était rien, mais quand on prenait la peine de tout compiler – ce que Simone avait fait – alors j’étais en fâcheuse posture. Emma soupira et passa un bras autour de ma taille.

— Kate, tu es ma meilleure amie, mais tu es une catastrophe ambulante.

Je reniflai et clignai des yeux pour empêcher les larmes de tomber.

— Je suis une sorcière manquée, tu veux dire.

— Je n’irais pas jusque-là, mais disons que ta magie est… discrète.

Elle pinça le pouce et l’index, petit doigt en l’air, comme une critique culinaire qui décrirait un plat de fine cuisine. Je haussai un sourcil à ses simagrées.

— Merci pour les encouragements.

Elle m’offrit un sourire éclatant, et je l’imitai.

— Si tu veux retourner à ton livre le plus vite possible, alors il faut terminer la mission. Après, tu pourras lire autant que tu le voudras.

Elle m’attrapa par le bras et me tira vers les escaliers de service. L’éclairage cru sur la peinture blanche me fit cligner des yeux après l’ambiance feutrée du reste de la Gare. Seul l’écho de nos pas nous accompagna jusqu’au niveau inférieur. Contrairement au reste du bâtiment, cette section sentait la poussière et les boules à mites. Le pied de l’escalier donnait sur une empilade de chaises de banquet et quelques boîtes vides de décorations de Noël. De part et d’autre, un corridor traversait le bâtiment, et tout près, une porte s’ornait d’une plaquette identifiant la réserve. Le linoléum au motif excentrique retint mon attention, et je me demandai de quand il datait. Avec cette teinte de vert maladif et de jaune fade, ça devait remonter aux années 50. Emma ouvrit la porte de la réserve et je me faufilai à sa suite. J’actionnai les néons et fronçai les sourcils en jaugeant leurs clignotements de mauvais augure. Emma répéta les consignes de Nathan au sujet du piège, puis elle me fourra une pochette d’ingrédients et une boîte de craie dans les mains. Je me frottai les tempes face à la complexité du plan.

— Occupe-toi des portes, je vais tracer le piège. On a un peu moins d’une heure pour tout préparer.

Le petit entrepôt comptait quatre portes, je devais tracer un sceau protecteur ET un autre offensif sur chacune d’elles. Je n’aurais jamais assez de temps. Je soupirai et m’attelai à la tâche.

— Je ne comprends toujours pas ce que Simone espère gagner en éliminant le Windigo, tempêtai-je tout bas.

Quelque chose heurta l’arrière de ma tête, et je me tournai pour voir un bout de craie tombé à mes pieds. Emma me tira la langue en sortant un nouveau bâton. D’une main agile, elle enchaîna plusieurs traits.

— Parce qu’il a refusé de s’allier aux renégats et qu’il fait copain-copain avec les Clans. Mais demain matin, il pourrait tout autant se réveiller et décider d’aider la Faction. Et alors on n’aurait plus aucune chance de gagner.

Gagner quoi? Je n’avais pas le courage de poser la question à voix haute.

— Sans parler du fait que le Windigo a tué des centaines de sorcières, dont la mère de Simone, ajouta Emma.

— Le défunt père du Windigo a tué des centaines de sorcières, rectifiai-je.

Celui qui remportait la palme du monstre le plus monstrueux de la communauté surnaturelle avait à peine vingt-et-un ans. Son jeune âge ne l’empêchait pas d’être une créature cannibale, alors il avait bien dû croquer une ou deux personnes depuis la maturation de ses pouvoirs – une malédiction, vraiment. En revanche, j’avais un énorme malaise à accuser les enfants des crimes des parents. Certains diraient que je faisais de la projection, car ma mère m’avait abandonnée très tôt et l’identité de mon père restait inconnue. Si je venais à apprendre que j’étais la progéniture d’un tueur en série, j’aimerais bien qu’on me donne le bénéfice du doute. Malheureusement, je semblais être la seule de cet avis au sein du coven. J’avais à peine effleuré le sujet qu’on m’avait rabrouée. Et obligée à participer à la mission.

Emma recula pour étudier son sceau au sol avant d’ajouter un enchaînement de runes en bordure du cercle. Je reportai mon attention sur celui que je traçais. Merde, mes lignes n’étaient pas assez droites. J’effaçai le dernier trait et le redessinai.

— C’est le discours officiel, repris-je. Mais de là à s’allier aux vampires? Ils ont tué le mari de Simone; ils ne sont pas mieux que le Windigo.

— Parce qu’il faut éliminer le Windigo avant de s’attaquer aux vampires. Kate, sérieusement? Ne me dis pas que tu remets en doute le plan de ce soir.

Je passai à la porte suivante sans lui répondre. Bien sûr que je le remettais en doute. S’il m’arrivait de me fâcher contre l’imprimante de bureau et d’écraser les araignées à vue, mon tempérament n’avait rien de violent. Piéger le Windigo et le tuer? Ce n’était pas ma définition d’un samedi soir agréable. Un soupir m’échappa. Si je sabotais la mission, j’aurais des comptes à rendre, et ce serait encore moins plaisant. Donc à choisir, j’allais compléter les sceaux et faire profil bas.

— Terminé! annonça Emma.

Elle lâcha une exclamation horrifiée alors que je finalisais le dernier sceau. Je me tournai vers elle pour la voir pointer la première porte.

— Tu te fous de ma gueule, Kate! Tu devais enchâsser les runes de confusion et de blocage. C’est du grand n’importe quoi.

Le sang quitta mon visage. On n’aurait jamais dû me confier cette tâche. J’étais la meilleure pour reproduire n’importe quelle image vue, même brièvement, mais dans le cas présent, pour éviter de laisser des traces, la matriarche nous avait interdit de noter quoi que ce soit. J’avais inversé confusion et diversion.

— Ça va fonctionner quand même, me défendis-je.

— Ça doit être parfait! Si Nathan se fait écorcher par le Windigo, vas-tu lui servir ça comme excuse? « Ça aurait dû fonctionner quand même », singea-t-elle. J’en ai marre! Je ne prendrai pas le blâme pour tes bêtises.

Elle donna un coup de pied dans sa boîte de craie, puis elle se rua vers la porte du fond. D’un geste, elle brisa mon sceau et traversa la porte. Une bouffée de chaleur me monta au visage. Je lançai ma craie contre le mur et étouffai un cri de colère. Non seulement j’étais une piètre sorcière, mais en plus j’étais un boulet. Je me pinçai le nez pour bloquer mes larmes de frustration, puis je courus à la suite d’Emma. Il devait y avoir une façon de rattraper le coup.

De l’autre côté de la porte, la pénombre régnait sur le corridor. Où était-elle partie? D’un côté, un espace grillagé abritait ce qui devait être un système de climatisation industrielle. L’endroit parfait pour torturer quelqu’un sans qu’on entende ses cris. Je me dirigeai à l’opposé, pour me river sur une porte protégée par une serrure numérique. Je fermai les yeux. Simone nous avait donné le code. Verbalement. J’avais pris la peine de trouver un truc mnémotechnique. C’était l’année de naissance de quelqu’un du coven… Je plissai le nez et fis une première tentative. La serrure vrombit et la lumière rouge clignota. Je testai une deuxième combinaison, avec le même résultat. J’enfouis mes mains dans mes cheveux et tirai sur les racines. Misère. J’aurais dû m’écouter et écrire les informations, peu importaient les consignes de Simone. Je composai une nouvelle série de chiffres, et cette fois tout le pavé numérique s’illumina de rouge. Il ne me manquait plus que ça. Avec ma poisse habituelle, cet engin de malheur était lié au système de sécurité et quelqu’un allait venir vérifier ce qui se passait ici.

Je repartis en sens inverse vers la pièce de stockage où nous avions tracé le piège. J’essuyai mes larmes avec ma manche et je m’attelai à la tâche : les sceaux devaient être parfaits à la seconde où Emma reviendrait, sûrement accompagnée d’un Nathan furieux – sans parler du reste de l’équipe. Nathan ne manquait jamais une occasion de me pourrir l’existence, et cette fois-ci ne ferait pas exception.

Mes mâchoires se crispèrent en repensant à la dernière fois où je lui avais fait confiance. Ça remontait à quoi, pff, dix ans? L’été de nos seize ans, il avait jeté son dévolu sur moi, et nous avions passé plusieurs soirées clandestines sous les étoiles. Jusqu’à ce que je lui fasse assez confiance pour lui offrir ma virginité. Le lendemain, je l’avais surpris avec Isabelle, la fille de Simone. Elle s’était moquée de moi avant de révéler que Nathan m’avait séduite à sa demande, qu’il lui avait prouvé sa loyauté et qu’elle le récompenserait pour son efficacité. Après cet incident, je n’avais plus jamais osé répondre aux avances d’un garçon, à l’école ou ailleurs, par crainte d’un autre plan machiavélique d’Isabelle. Depuis, j’avais aussi pris mes distances avec les autres membres du coven. Je n’osais jamais tout à fait baisser ma garde, même avec Emma, qui était ce que j’avais de plus près d’une meilleure amie.

J’essuyai la sueur sur mon front et m’attelai au dernier sceau à corriger. Ma main se figea lorsque je perçus des voix de l’autre côté de la porte. Un hoquet de stupeur m’échappa en reconnaissant celle du dragon Terreur. Je plaquai ma main sur ma bouche, car si je pouvais distinguer ses paroles, il y avait fort à parier qu’il m’entendrait : les sorcières possédaient la même acuité sensorielle que les humains normaux, tandis que les sens du dragon devaient rivaliser avec ceux beaucoup plus développés des métamorphes. Je collai mon oreille contre le battant. Une deuxième voix lui répondit :

— Selon mes sources, c’est un monstre lacustre qui l’a acheté lors d’une vente aux enchères. Il a ensuite été assassiné en 2015. Toutes ses possessions ont disparu par après. Je parierais sur un autre surnat’ de la région.

Le dragon émit un grognement frustré.

— As-tu une liste de suspects à interroger?

— C’est beaucoup d’efforts pour un simple bestiaire, remarqua son interlocuteur.

— Ce grimoire n’a rien de simple, contra le dragon.

— Quel est l’intérêt de trouver cet ouvrage? Je veux dire, « Dragons et animaux mythiques ». Vous êtes un dragon, vous n’avez pas besoin de…

Un bruit sourd l’interrompit, suivi d’un gargouillis. Si j’avais eu à parier, j’aurais dit un coup de poing au ventre.

— Je te paie pour poser des questions aux autres, pas pour m’interroger.

— Bien reçu, s’étrangla l’autre.

Les bruits de pas s’éloignèrent et les voix s’estompèrent. Je fermai les yeux et pressai mes doigts sur ma bouche pour m’obliger à respirer plus lentement. Mon cœur battait à toute vitesse, et mes mains tremblaient si fort que je ne risquais pas de terminer mon sceau. Je sortis mon smartphone de ma poche et vérifiai l’heure. La consternation me balaya. Le reste de l’équipe avait plus d’une demi-heure de retard. Emma aurait dû être de retour. Peut-être qu’ils avaient frappé un nœud. Ou bien l’un d’eux avait été démasqué et les autres se cachaient? Je devais les retrouver.

Je collai mon oreille sur la porte à nouveau, mais aucun bruit ne me parvint. Je tournai la poignée avec précaution et poussai le battant. Je lançai un coup d’œil avant de me glisser dans l’ouverture et… GAH!

Le dragon se tenait devant moi, les mains dans les poches. Un sourire narquois flottait sur ses lèvres tandis que son regard me parcourait de la tête aux pieds.

— Kate, me salua-t-il.

Je clignai des yeux bêtement. Comment devait-on s’adresser au Fléau du Tyran? Monsieur Terreur? Je n’osais même pas utiliser son véritable nom. Devant mon silence, il inclina la tête vers la pièce que je venais de quitter.

— Et si tu me montrais ce que tu faisais?

— Je range les… ustensiles qui n’ont pas servi pour le repas.

Il me retourna un haussement de sourcils moqueur.

— Mentir n’aidera pas ta cause.

Il étira le bras et tira sur la poignée. Son regard s’attarda sur le sceau tracé à la craie derrière la porte.

— Hum, voilà qui aurait pu être incommodant.

Il porta son attention vers le reste de la pièce, et le cercle dessiné au sol.

— Était-ce pour moi?

Je me passai la langue sur les lèvres pour soulager la soudaine sécheresse qui les affligeait. Le regard du dragon se fixa aussitôt sur ma bouche, et un frisson remonta le long de mon dos. Je contractai tous mes muscles, refusant de laisser une vague attirance physique me dérober mes facultés mentales.

— C’était comme ça quand je suis arrivée, mentis-je.

— Et la craie sur tes mains s’est retrouvée là… par hasard?

Je croisai les mains derrière moi, mais trop tard : une vague de chaleur me fouetta le visage. Le dragon avança vers moi et je reculai en hâte. Jusqu’à ce que mon dos heurte le mur. Encore.

— Je pourrais te tuer, ici et maintenant, sorcière. Qui aviez-vous prévu de capturer?

Mon cœur manqua un battement, pas vraiment de peur, à mon plus grand désarroi, mais parce qu’une part de moi voulait le rassurer sur le fait que je n’étais pas son ennemie et que je n’avais pas comploté contre lui. Ce qui était ridicule. Moi sorcière, lui dragon : nous étions nés ennemis.

— Le Windigo, chuchotai-je quand même.

Une expression incrédule traversa son visage, mêlée à quelque chose qui ressemblait à de l’inquiétude, avant que son masque de calme revienne.

— Ça n’aurait jamais suffi.

Son regard fouilla le mien.

— Qu’est-ce que vous espériez y gagner? Que vous aurait apporté la mort du Windigo?

Je pinçai les lèvres. Je n’allais pas non plus me transformer en mouchard pour ses beaux yeux. Un grondement frustré agita sa poitrine, accentuant la proximité entre nos corps. Je faillis m’étouffer avec ma salive, mais je gardai le silence.

— Tes complices sont morts, tous les trois, déclara-t-il.

Mon souffle se coupa, mais l’info me laissa perplexe. Trois? Nous étions venus à sept, un peu plus de la moitié du coven. Deux des nôtres n’avaient pas donné de nouvelles depuis le début de l’après-midi, et je soupçonnais Nathan de savoir qu’il leur était arrivé malheur, mais de nous le cacher pour éviter la panique. En dehors d’Emma et moi, ça laissait donc effectivement trois complices. Emma avait-elle réussi à se sauver? L’espoir libéra ma gorge et j’avalai l’air à grandes goulées. Mais si Emma avait survécu, ça signifiait que Nathan et Isabelle étaient morts. Cette idée me déroutait à un point tel que je n’arrivais pas à déchiffrer mes propres émotions : tristesse, colère, soulagement, culpabilité. Le dragon inclina la tête en observant ma réaction. J’étouffai mon tumulte intérieur pour me concentrer sur la menace immédiate. Une menace aussi séduisante que mortelle.

— Les avez-vous tués? demandai-je.

— Non, je n’ai pas eu besoin d’intervenir. Le Windigo n’est pas une proie facile. En fait, ce n’est pas une proie, point. Ton coven l’a appris à ses dépens.

— Allez-vous me livrer à lui?

— Le Windigo a d’autres préoccupations en ce moment.

Je relâchai mon souffle avec discrétion. Le dragon inclina la tête.

— Nous sommes sur le territoire des vampires, remarqua-t-il. Si je leur apporte ta dépouille, ils m’en seront reconnaissants. Je m’abaisse rarement à faire le ménage, mais je veux bien faire une exception pour t’offrir une mort rapide.

— Ce sont les vampires qui nous ont invités ici ce soir, contrai-je avant de me raviser.

Il haussa les sourcils à ma déclaration.

— Et pourquoi devrais-je te croire?

— Félicitée a recruté l’aide de mon coven pour éliminer le Windigo, et récupérer… un artéfact.  Sauf que notre matriarche comptait la trahir et se débarrasser d’elle aussi.

— Bien, alors je te laisserai peut-être témoigner contre les vampires avant de t’exécuter.

L’instinct de survie me fit parler avant que je puisse juger de la sagesse de mes paroles :

— Je sais où est le grimoire « Dragons et animaux mythiques ».

Il se figea, et j’eus une bouffée d’euphorie à l’idée d’obtenir un sursis.

— Où?

Le regard de braise du dragon me cloua au mur. Je fermai les yeux à ma propre stupidité.

— Il a brûlé, avec le reste de la maison où il se trouvait, chuchotai-je.

Un grondement furieux lui échappa.

— Mais je l’ai lu!

Le dragon souffla d’exaspération et je m’empressai de lui expliquer :

— J’ai une mémoire photographique. Je peux le retranscrire, avec les dessins. Ça risque juste d’être… long.

— Si tu mens, je m’assurerai de faire de ta vie un enfer, et tu maudiras ce jour.

Je déglutis, bien consciente d’être en train de passer un pacte avec le diable en personne.

— Je dis la vérité. Si vous me laissez sortir d’ici vivante, je promets de recopier le grimoire aussi fidèlement que possible.

Le bouquin comptait quand même plus de deux cents pages. J’avais passé des heures à le regarder, et je ne doutais pas de ma capacité à le reproduire, mais ce serait un travail de moine, surtout s’il insistait pour que les dessins soient de qualité. Le dragon me jaugea en silence. D’un geste habile, il sortit une lame de son veston. Je me plaquai au mur avec un couinement de terreur et il eut le culot de sourire. Il entailla sa paume opposée, à l’endroit le plus charnu, près du poignet (personne ne veut se couper le creux de la paume, sauf dans les films). Il désigna ma main du menton, et je la levai avec lenteur. Il agrippa mon poignet pour contrer mes tremblements; à ce contact, une bouffée de chaleur me traversa. J’inspirai un coup sec, son regard croisa le mien. Une lueur dorée embrasa ses iris. J’étais tant et si bien hypnotisée par cette étrange couleur, que je ne remarquai pas la lame sur ma paume. Je sifflai de douleur lorsqu’il perça la peau. Il plaqua son entaille sur la mienne et prononça une incantation. Ça aurait pu être du latin, mais les mots utilisés ne faisaient pas partie de mon maigre vocabulaire. Une langue germanique ou slave, peut-être?

— Je t’offre ma protection, et en échange, tu m’offres le savoir.

Pour sceller un pacte, à ma connaissance, il fallait l’accord des deux parties. Mais la magie picota le long de mon bras, et je lâchai un hoquet de stupeur en la sentant s’ancrer dans ma poitrine. Je blêmis devant le manque de précision des clauses du pacte. Même si je pouvais jouer sur la définition de « protection », il pouvait aussi bien le faire en sens inverse. Le dragon recula avec un sourire satisfait.

— Maintenant, il est l’heure de confronter les vampires. Et de te ligoter.


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5 ans pour Gemellus

En décembre 2024, Gemellus fête ses 5 ans de publication! En vérité, c’est près de 21 ans de vie, car la première fois que Nova a fait son apparition dans ma tête, j’avais 16 ans. Ça ressemblait plus à une romance alien qu’autre chose, mais l’idée n’a pas abouti – et c’est sûrement mieux ainsi!  

Gemellus est le tout premier roman que j’ai publié, même s’il est le deuxième manuscrit que j’ai écrit. Mon premier projet était une fanfiction de “Outlander rencontre Mercy Thompson”. Le personnage principal aurait pu être fait de carton tellement il manquait de saveur. À ce moment, j’ai réalisé que j’avais besoin d’un héros qui était si différent de moi que je n’aurais pas le choix de sortir de ma zone de confort pour lui donner vie. Ainsi est né Dominix Kemp. Nova en a profité pour revenir dans le portrait et exiger d’être sa sœur. En fait, elle a insisté pour que Dominix vienne la sauver. Comme il me rappelait mon frère aîné, et qu’elle me rappelait… moi!… je leur ai donné un autre frère, Loïc, parce que, et oui vous l’aurez deviné, j’ai deux frères. 😉 Les ressemblances s’arrêtent là (heureusement), mais j’ai adoré explorer la dynamique de cette fratrie qui me rappelait mon adolescence. 

Qui est Dominix? 

Dominix est le résultat de trop d’heures à regarder des séries télé comme Star Trek, Star Gate et Farscape, ou des films comme Star Wars, Pitch Black (Les Chroniques de Riddick) et Serenity (Firefly). Dominix a beau être un mercenaire, il possède une certaine rigueur héritée de sa formation militaire. 

Dominix n’a pas toujours été un transporteur réputé; il a passé les premières années de sa carrière à prendre les contrats les plus payants. Ses choix ont nourri sa réputation, ils lui ont permis de rencontrer de nouveaux associés, mais ils lui ont aussi valu quelques ennemis au passage. 

À l’insistance de sa sœur, il s’en tient à une certaine rigueur morale, non sans ronchonner. Il est impulsif dans ses réactions (on se souviendra qu’il a déjà suggéré à son frère de sauter par la première fenêtre ouverte alors qu’ils étaient dans un gratte-ciel…) mais heureusement, il possède une réserve de chance intarissable, ce qui lui permet de s’en sauver (presque) toujours. 

Qui est l’entourage de Dominix? 

Personne ne veut parcourir l’immensité obscure de l’espace seul, aussi je lui ai donné Teo, son navigateur, et un génie de l’informatique. Teo souffre cependant d’anxiété sociale, ce qui le rend difficile à aimer de la plupart des gens. D’ailleurs, Loïc et lui ne peuvent pas se voir en peinture. Teo accompagne chaque situation d’une citation en latin, question de passer des messages passif-agressif. Heureusement (ou malheureusement selon le point de vue), Dominix ne peut pas se passer de lui et de ses talents. 

Bien sûr, il y a les jumeaux Loïc et Nova. Ces deux-là partagent un lien psychique tout particulier, leur permettant de communiquer par-delà la distance. C’est d’ailleurs Loïc qui confirmera que Nova a bel et bien disparu, que son employeur enfume les autorités pour masquer de sombres desseins. Loïc est loin d’être conciliant, surtout quand sa sœur n’est pas là pour adoucir les arêtes de son caractère épineux. Il a quitté l’équipage de Dominix en même temps que Nova pour poursuive une carrière solo de tueur à gages. Nova, quant à elle, a quitté l’équipage pour entreprendre des études de neurochirurgienne, qu’elle a réussi avec brio. Elle a cependant un fort sens de la justice et elle n’a pas tardé à se mettre le nez là où il ne fallait pas. Son employeur veut la faire taire, à tout prix.  

La gloire est moins attirante lorsqu’on la savoure seul, aussi Dominix a-t-il un passé compliqué avec un ancienne collaboratrice : Ketsia. À l’époque de leur rencontre, elle possédait son propre vaisseau et ils faisaient équipe pour réaliser des contrats plus complexes. Leur relation se voulait sans engagement, et il n’était pas rare qu’ils partent chacun de leur côté. Toutefois, lors d’une mission solo, Dominix est tombé sur Ketsia dans une position pour le moins compromettante. Toujours aussi impulsif, il a coupé les ponts sans attendre d’explications. Notre cher Dominix se serait-il attaché plus que de raison? Se serait-il senti trahi par les actes de Ketsia? Malheureusement, dans Gemellus, Ketisa est la seule à pouvoir le guider jusqu’à l’étape suivante. Elle est déterminée à lui expliquer sa version de l’histoire et à obtenir son pardon, même si elle doit ligoter Dominix et s’asseoir sur lui pour lui faire entendre raison. 

Dans quel univers évolue Dominix? 

Il s’agit d’un futur pas si lointain : la Terre a été découverte par une civilisation plus avancée, et nous avons bénéficié d’un statut protégé comme civilisation émergente. Le Bras d’Orion est occupé par plusieurs grandes puissances, donc l’Union des planètes fédérées (UPF) et la République unie d’Orion (RUO). Malheureusement pour nous, ces deux nations se sont fait la guerre, et peu de temps après la découverte de la Terre, la nécessité a bien vite obligé l’UPF à utiliser notre petite planète champêtre comme relais. Dominix a donc l’opportunité de suivre une formation militaire comme pilote en échange de quelques années de service obligatoire. Notre rebelle préféré trouvera cependant le moyen de racheter son contrat et de voguer vers des cieux plus lucratifs. 

Outre les grandes nations, l’économie et les services sont régis par des organismes et des regroupements. Les mercenaires se sont ralliés sous la bannière des Distributeurs, qui sert de point de chute pour afficher les différents contrats : protection rapprochée, transport, assassinat, etc. Du côté des transporteurs, ils ont créé un regroupement, à la manière des Uber, sous le chouette petit nom de Intergalactic Poney Express. Ici, c’est mon amour des cheveux et de l’Histoire qui ressort : le Pony Express est un service de distribution rapide du courrier aux États-Unis qui a opéré en 1860-1861. Le concept consiste à faire porter le courrier par des cavaliers individuels lancés au galop, au lieu de le faire transporter par des diligences, ce qui permet un gain de temps énorme, mais l’avènement du télégraphe et du train à vapeur rend ce service obsolète. Je trouvais le nom évocateur, surtout que le vaisseau de Dominix est de taille plutôt modeste, et qu’il mise sur sa rapidité pour remplir ses contrats. 

Les Hubots et le Code sur l’intelligence artificielle 

L’aspect le plus épineux de l’univers de Dominix Kemp concerne l’intelligence artificielle. Hé ho, ne m’accusez pas de profiter des sujets en vogue : cette histoire a été écrite en 2010 et chatGPT a été mis à la disposition du public en 2022… Bref, dans ce cas-ci, il est question des humains modifiés, par implant ou par prothèse. Au tout début de Gemellus, Dominix apprend que la législation retire le statut légal des individus modifiés à plus de 60%. Ces gens qu’on appelle des Hubots perdent notamment le droit d’être le tuteur d’un enfant ou de posséder une entreprise. Ce n’est pas sans rappeler le traitement des autochtones par le gouvernement canadien, et c’est là toute la beauté de la science-fiction : explorer des thèmes qui blessent dans le confort d’une extrapolation littéraire. Alors attention, je ne prétends rien résoudre, mais Dominix est bel et bien obligé de se faire sa propre idée sur le sujet, car dans le premier tome, il se démène contre une IA véreuse, dans le second tome, il est témoin de grandes injustices sociales à l’encontre d’innocents Hubots, pour enfin affronter un Hubot dégénéré dans le tome 3. 

Pourquoi le titre Gemellus? 

Ma grand-mère paternelle insistait sur le raffinement et la bienséance en toute chose. Elle avait cependant une touche de rébellion en elle, ce qui en faisait un modèle à suivre dans mon jeune esprit. Lors de nos visites, elle s’amusait à nous réciter des citations en latin, vestiges de son éducation classique au couvent. Je trouvais cette langue fascinante, mais je ne l’ai jamais étudié moi-même. 

Comme Teo, le navigateur de Dominix, possède un esprit de contradiction impérissable, je trouvais plutôt amusant qu’il lui serve la morale à grands coups de citations obscures. Pour alimenter Teo, je me suis donc constitué une liste de citations loufoques, et j’y pigeais la réplique du moment sous le coup de l’inspiration. 

Quand est venu le temps de nommer le projet, j’avais donc déjà passé plusieurs heures à éplucher les citations latines. C’est donc assez naturellement que je me suis tournée vers cette langue. La gémellité de Nova et Loïc constitue la pierre angulaire de l’intrigue, alors même si Dominix en était le personnage principal, il allait de soi d’y faire référence. J’ai ensuite reproduit ce schéma avec les tomes suivants, car si vous ne l’avez pas remarqué, j’aime bien les trucs cohérents lorsqu’il est question de mes titres de romans. 😉   

Envie de voyager avec Dominix Kemp et son équipage déluré?

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Une intégrale pour les gouverner tous 

C’est de nouveau le moment de rassembler les tomes d’une série et d’en faire une version intégrale! Cette fois, c’est au tour de La Coureuse des grèves. Je suis privilégiée d’avoir pu explorer cette légende en premier dans la sphère de la fantasy contemporaine, car on ne va pas se mentir : les romans avec des vampires, des loups-garous et des faes abondent, et il vient un moment où ils se confondent tous les uns aux autres. 

La légende de la coureuse des grèves est un extrait d’essence de la culture du Bas-Saint-Laurent, marqué par le littoral du fleuve, balayé par le vent et parsemée de gens sympathiques. Lorsque j’ai quitté Montréal à 17 ans, mes yeux se sont ouverts sur le reste du Québec. Ne vous méprenez pas, j’étais déjà sortie de la métropole à bien des reprises; mes grands-parents paternels demeuraient à Trois-Rivières, en Mauricie, et mes grands-parents maternels possédaient un chalet dans les Cantons-de-l’Est. Quand je me suis rendue à La Pocatière pour les tests d’admission à l’Institut de technologie agroalimentaire, c’était cependant ma première visite à l’est de la ville de Québec. Et j’ai été fascinée par les paysages, les villages et la culture à la fois si semblable mais différente de celle de mon enfance. 

J’ai passé deux ans et demi dans le bas du fleuve, et je ne me suis jamais lassée de la vue (contrairement à mon homme, qui est né à la limite entre Chaudière-Appalaches et le Bas-Saint-Laurent, et qui n’a jamais eu plus qu’un haussement d’épaules pour mes « Regarde comme c’est beeaaauu!”). La première fois où j’ai vu (ou entendu) le nom du restaurant à Saint-Jean-Port-Joli, la Coureuse des Grèves, j’ai été instantanément séduite par l’idée qu’évoquait ces mots : une jeune femme éprise de liberté qui parcoure la rive du fleuve, avec les nuées d’Oies des neiges en migration qui tourbillonnent en arrière-plan. 

Lorsque j’ai entrepris d’écrire La Proie du Windigo, le Windigo y prenait déjà une place centrale, et il était bien plus facile d’y incorporer des légendes possédant un cadre urbain, comme la Corriveau ou le Bonhomme Sept Heures. Même si la coureuse des grèves réclamait d’être sous le feu des projecteurs, je ne voyais pas comment lui rendre justice. Quand l’intégrale de la série Windigo a grimpé au top 100 de la boutique Kindle au printemps 2022, j’ai su que je devais revenir à cet univers. Même si j’avais quelques idées pour un tome 4 de Windigo, je n’étais pas très emballée à l’idée de poursuivre cette série, surtout parce qu’avec les leçons apprises au fil du temps, j’avais dorénavant conscience de plusieurs faiblesses scénaristiques dans la trame du Windigo. J’avais besoin de partir à neuf. Et la coureuse des grèves s’imposait dans chacune de mes idées. 

Avant de donner vie à Viviane, il me fallait terminer La Chronique des Joyaux, une trilogie de fantasy médiévale, donc ce n’est qu’en décembre 2022 que le prélude Les eaux empoisonnées a vu le jour. Et cette aventure s’est poursuivi jusqu’en juillet 2024, où le tome 5 est venu compléter la saga. 

Pour la plupart de mes séries, j’ai écrit les bonus et les nouvelles après coup, mais dans le cas de La Coureuse des grèves, j’ai planifié le prélude avant tout. Je voulais offrir un avant-goût de l’univers, permettre aux nouveaux lecteurs de tester ma plume sur un récit plus court, et mettre la table pour le reste de la série. En ce qui concerne la soirée barbecue (le bonus entre le tome 1 et 2), je ne l’avais pas vraiment planifié et je me suis retrouvée un peu embêtée, une fois le tome 1 terminé, et cette fameuse soirée nulle part en vue. C’est une entrevue de podcast qui m’a donné l’idée d’en faire un bonus, que j’ai d’ailleurs eu énormément de plaisir à écrire. Quant à la scène coupée du tome 5, je jette le blâme sur ma directrice littéraire qui me parle périodiquement de tester des styles de narration différents, de sortir de ma zone de confort, gnan-gnan-gnan… Ahem, enfin, bon oui, voilà, je l’ai fait! 😛  

Puisque ces trois bonus sont offerts aux abonnés de l’infolettre, ils ne pourront jamais faire partie d’une intégrale disponible sur Kindle Unlimited, puisqu’Amazon exige l’exclusivité au format numérique. C’est donc là qu’entre en jeu la boutique et la version papier de luxe. Parce que oui, éventuellement je publierai une version intégrale avec seulement les 5 tomes, mais pour l’instant, je vous offre cette superbe édition intégrale-intégrale, avec les 5 tomes, le prélude, le bonus de la soirée barbecue et la scène coupée du dernier tome. Mais plus que ça, cette intégrale de luxe est aussi l’occasion de tester les options personnalisées de mon imprimeur, soit le jaspage de la tranche et les dorures sur la couverture. 

Je vous offre aujourd’hui une brique (mise en garde : ne lancez pas le machin, vous allez blesser quelqu’un) de 698 pages, près de 300 000 mots, 4 cm d’épais, avec 8 en-têtes de chapitre personnalisés, 2 images pleine page inédites. Des heures de pur bonheur à passer en compagnie de Viviane, Zacharie, Florence, Ben et Baka au manoir Cormoran. Sabotages, disparitions, meurtres : menez l’enquête avec notre océanide préférée, déjouez les plans du dangereux sorcier Gamache et explorez les pleins pouvoirs de la Coureuse des grèves! 

Mais surtout, et enfin, sachez que si vous achetez cette intégrale sur ma boutique, c’est moi directement que vous encouragez, de même que mes collaboratrices. Parce qu’en passant par ma boutique, je n’ai pas à partager mes revenus avec une autre plateforme, et ce roulement de fonds me permet de financer d’autres projets et de garder la machine en route.  

Je vous dis merci, mille fois merci! Votre soutien et votre enthousiasme nourrissent ma motivation et me permettent de viser toujours plus haut. J’espère que ce petit bijou embellira vos étagères et illuminera votre journée. 

Un extrait de La cascade déchaînée

Sentez-vous cette odeur? C’est celle de la fin! La ligne d’arrivée est en vue : La cascade déchaînée, le 5e et dernier tome de La Coureuse des grèves, sort le 11 juillet 2024. Vous y trouverez toutes réponses à vos questions, le voile sera levé sur les mystères en suspens, Viviane trouvera enfin ce qu’elle cherche, et même plus!

Depuis près de 900 pages, nous suivons Viviane dans ses aventures, au fil des sabotages, des disparitions, des meurtres et des intrigues politiques. Sa route a croisé celles de nombreuses créatures folkloriques (et ce tome 5 ne fera pas exception!). Elle n’a peut-être rencontré aucune océanide, mais elle connait dorénavant sa véritable nature et elle se l’approprie un peu plus chaque jour. Ajoutons à celà un entourage aimant et dévoué. Le manoir Cormoran est véritablement un phare dans la nuit pour les créatures surnaturelles.

Cette enquête-ci m’a prise par surprise; l’identité de la victime s’est imposée, mais ce n’était pas du tout planifié. Bien sûr, le sorcier Gamache est mêlé à cette sordide histoire, mais cette fois, il ne s’agit pas que d’identifier et d’appréhender le coupable : l’équilibre de toute la communauté surnaturelle est menacé par ce crime. Viviane et Zacharie devront se relever les manches pour garder la tête hors de l’eau et sortir vainqueurs de cet ultime affrontement.

Je vous invite à plonger tête la première dans cet ultime opus de la série La Coureuse des grèves avec un petit extrait. Bonne lecture!


Des cadavres jalonnaient le comptoir de la cuisine, témoins silencieux de la soirée précédente. Des cadavres de bouteilles de vin, évidemment. J’en ramassai deux et les déposai avec le reste du recyclage. Les bouteilles suivantes tintèrent en s’entrechoquant et je grimaçai à l’idée de réveiller tout le monde. Mes quatre invités dormaient à l’étage, et j’avais encore besoin d’un moment de solitude avant d’être prête à faire face à leur présence tumultueuse. Je passai un torchon sur le comptoir enfin libéré. L’odeur citronnée du détergent remplaça celles des excès de la veille.

À la suggestion de Jérôme, un kelpie et mon nouveau conseiller en relations surnaturelles, j’avais invité les quatre monstres lacustres de la région à séjourner au manoir. Je m’étais bien gardée de leur expliquer l’objectif – même si aucun d’entre eux n’était dupe – et je les avais obligés à participer à une table ronde pour réfléchir à certains enjeux.

Au cours de la dernière année, mes pouvoirs d’enchanteresse s’étaient épanouis. Au départ, j’avais refusé de les accepter, et mon entêtement avait failli me coûter ma santé mentale et physique. L’information sur ma véritable nature n’avait pas tardé à se répandre, et les monstres lacustres avaient profité de chaque occasion pour m’inciter à prendre le rôle de défenderesse des créatures aquatiques. Après plusieurs mois d’hésitations et de réflexions, j’avais fini par admettre que je ne ferais jamais une bonne porte-parole. Cependant, je ne pouvais pas rester de glace tandis que des créatures vulnérables souffraient, surtout si j’avais le pouvoir d’améliorer leur sort. J’avais passé les cent dernières années à me cacher, à vivre telle une nomade, à me déplacer dès que les problèmes se profilaient à l’horizon. Jusqu’à ce que les problèmes me rattrapent et me sautent au visage, littéralement. Ma quête de réponses avait duré près de trois ans, et j’en étais enfin arrivée à la conclusion qu’on ne pouvait pas se cacher de nos problèmes. En même temps, je refusais d’être prisonnière de mes peurs. Ce qui nous amenait au rôle de protectrice que je jouais dorénavant.

Après une énième relance de Memphré me demandant de m’impliquer personnellement auprès des créatures aquatiques, Jérôme avait suggéré de leur renvoyer la balle. Cette idée avait fait son chemin, et c’est ainsi que je m’étais retrouvée à boire beaucoup trop de vin avec Memphré, Champi, Ponik et Cassie.

La veille, après un peu de théâtre de la part des monstres lacustres (il fallait bien s’insurger lorsque la personne qu’on pense manipuler nous manipule en retour), j’avais réussi à orienter les discussions et à obtenir des concessions de toutes les parties présentes. Plutôt que de m’informer de tous les soucis des créatures aquatiques du territoire dans l’espoir que je m’en occupe, nous allions créer un réseau de collaboration, de manière à intervenir avec une efficacité optimisée : celui ou celle d’entre nous le plus près géographiquement du souci à traiter interviendrait en premier; si une enquête devait être menée, je serais appelée en renfort; Champi garderait un œil sur les ressortissants américains; Memphré gérerait la mise en place d’un réseau d’échanges avec les communautés isolées; tandis que Ponik s’engageait à accueillir les créatures orphelines à Pohénégamook et dans les environs.

Le plancher craqua lorsque Baka traversa le salon en direction de la cuisine, le dos arcbouté. Il étira ensuite ses pattes avant, le ventre au sol et l’arrière-train en l’air. Il bailla et dévoila une dentition modeste de félin domestique, mais le souvenir du sort funeste du raton laveur le mois dernier ne me quittait pas. Ce chat avait peut-être l’air inoffensif, mais il faut se méfier de l’eau qui dort. Sa queue frétilla une dernière fois, puis il se redressa et me rejoignit. Le Maine coon me gratifia d’un coup de tête sur les mollets avant de se frotter de tout son long contre moi.

– Bonjour, Votre Majesté. Bien dormi?

Il miaula, puis jeta un œil à son bol. Ses moustaches frémirent à la vue des croquettes, mais il s’en détourna, préférant sauter sur la bergère dans le coin de la pièce. Il s’y lova, les paupières mi-closes pour m’observer. J’avais presque terminé de remettre la cuisine en ordre.

– J’ai peur que tout ce vin ait influencé les discussions d’hier. Penses-tu que nos invités auront changé d’idée après une bonne nuit de sommeil?

Baka agita une oreille.

– Mmm, je m’en fais sûrement pour rien.

Un clignement d’yeux. Je lui tirai la langue.

– S’ils reviennent sur leur parole, je n’aurai qu’à les menacer de ton courroux.

Le soleil perça les nuages et baigna la bergère. Baka roula sur le dos et étira les pattes, révélant le pelage blanc crème de son ventre. On était loin de la divinité égyptienne qui s’était manifestée cet hiver pour protéger le manoir. Je ramassai les torchons sales pour les apporter à la buanderie au sous-sol. Il me faudrait cependant attendre que mes invités se lèvent pour lancer une machine. La distance entre l’étage et le sous-sol suffirait à étouffer les bruits, mais j’ignorais à quel point l’ouïe des monstres lacustres était sensible sous leur forme humaine.

Les marches craquèrent sous mon poids. Au pied de l’escalier, la salle des machines ronronnait d’un côté, et de l’autre s’alignaient des étagères avec mes réserves pour le manoir : produits d’entretien ménager, décorations saisonnières, réserve de papier de toilette, et ainsi de suite. Je sourcillai en voyant Zacharie agenouillé au centre de la pièce. Son pantalon moulait parfaitement ses fesses et je me laissai distraire quelques secondes par cette vue magnifique. Les manches de son t-shirt s’étiraient autour de ses biceps. Il ne devait pas son physique à un quelconque entraînement en salle; il le devait à son travail sur les chantiers, à ses temps libres passés dans sa forge ou à s’exercer avec des armes rustiques. Il releva la tête, sourcils froncés :

– Étais-tu en train de…

– Remettre la cuisine en ordre? suggérai-je avec un sourire ingénu.

Ma tentative d’humour manqua sa cible.

– As-tu utilisé ta magie? demanda-t-il. Ou interagi avec le manoir?

Aussitôt en alerte, mes sens s’ouvrirent pour prendre le pouls du manoir. Des lignes se dessinèrent dans mon esprit, traçant la charpente du bâtiment en contrepoint aux canalisations d’eau. Grâce à un système de distribution de chaleur à eau chaude, les tuyaux traversaient chaque pièce du manoir. La présence de mon élément naturel décuplait ma sensibilité et quelques secondes suffirent pour compléter mon tour d’horizon. Mes invités dormaient, et il en allait de même pour Fayette, le petit korrigan vivant dans les combles. Un courant d’air tiède balaya mon visage et la tuyauterie cliqueta. Zacharie leva les yeux avec suspicion.

– Qu’est-ce que le manoir te dit?

– Rien d’inhabituel. Pourquoi?

Il pointa une tache sombre au milieu du plancher. Sans mes facultés magiques, j’aurais déduit qu’il s’agissait d’un dégât d’eau, mais j’avais conscience de la moindre goutte dans un rayon de plusieurs centaines de mètres, et aucune canalisation n’était en faute.

– Quand je suis descendu, le plancher était sec. J’ai retiré le revêtement autour de l’entrée d’eau, et je n’ai rien trouvé d’inhabituel. Je me tourne, et voilà qu’il y a une flaque d’humidité. Sauf que ça ne correspond pas à l’emplacement des canalisations.

J’étudiai les marques de craie tracées par Zacharie. Plus d’un mètre séparait les canalisations de la tache. Dans tous les cas, rien ne justifiait cette fuite : nous avions décidé de remplacer une section de tuyaux de manière préventive. Les anciens propriétaires avaient effectué des mises aux normes quelques années plus tôt, mais pour une raison que nous ne nous expliquions pas, ils n’avaient pas touché aux derniers mètres de tuyaux qui menaient à l’arrivée d’eau principale. Avec le retour du printemps, Zacharie avait mis ce chantier en tête de liste de ses projets, et il devait s’y attaquer dès que nos invités partiraient.

– Je n’ai même pas commencé à casser le béton, déplora-t-il. J’espère que ce n’est pas une fissure dans les fondations.

– Ben l’aurait senti, et il nous l’aurait dit.

Je m’agenouillai et posai une main sur le béton. Une odeur légèrement salée m’effleura le nez, pas comme l’eau de mer, mais plutôt comme des larmes. Dans la pièce voisine, la chaudière exhala un long râle, et un parfum résineux me chatouilla le nez. L’appréhension se peignit sur le visage de Zacharie et il s’éloigna pour jeter un coup d’œil aux appareils. J’aurais pu le rassurer; les communications du manoir s’accompagnaient toujours d’un arôme de cèdre, qui me rappelait les coffres dans lesquels mon père avait conservé les fourrures et les tissus exotiques.

– Je ne sais pas si je m’habituerai un jour à tous ces bruits, dit-il en revenant vers moi.

La tuyauterie cliqueta, et j’eus la nette impression que le manoir se moquait de lui. Je secouai la tête devant son sens de l’humour douteux et l’invitai plutôt à m’expliquer la cause de cette curieuse flaque d’humidité. L’énergie du manoir fourmilla, s’aggloméra puis se dissipa. Je penchai la tête sur le côté et le manoir répéta cette étrange réponse. Je fermai les yeux pour approfondir notre contact. Le manoir grinça et craqua. Je cessai d’insister, de crainte qu’il ne me repousse. Mon énergie et la sienne différaient dans leur composition et leur manifestation. Comme l’avait déjà fait remarquer Ben, le manoir vibrait à l’unisson de la terre, tandis que je résonnais avec l’eau. En développant mes capacités d’enchanteresse, j’arrivais de plus en plus à interagir avec les autres éléments, mais je manquais encore de finesse, et pour rien au monde, je ne voulais brusquer le manoir.

– Est-ce que tu t’opposes au remplacement des tuyaux? demandai-je à voix haute.

Aucune réaction. Je fis une nouvelle tentative :

– Y a-t-il un problème avec les fondations?

Rien. Mon regard croisa celui de Zacharie et je haussai les épaules.

– Ça n’a peut-être aucun lien avec les travaux, avançai-je.

– Je vais casser le béton à cet endroit aussi, juste pour m’assurer qu’il n’y a pas d’anomalie.

En l’absence de réaction du manoir, j’acquiesçai. Une vibration dans ma poche détourna mon attention de ce curieux mystère. À la vue du nom de Marie-Josephte sur l’écran de mon smartphone, je m’empressai de répondre.

– Es-tu au manoir? demanda-t-elle sans préambule.

– Oui, les discussions avec les monstres lacustres se sont terminées aux petites heures, alors c’est un début de journée plutôt lent. Pourquoi?

– Donc tu n’es pas sortie ce matin?

Je fronçai les sourcils et Zacharie m’envoya un coup d’œil interrogateur.

– Non. J’aurais dû?

Je fouillai ma mémoire, mais je n’avais pris aucun autre engagement pour la journée. Entre mes invités et les travaux à faire, j’avais délégué le reste à Jérôme.

– Peux-tu venir me rejoindre? demanda Marie-Josephte. Je suis à quelques minutes du manoir.

Elle me donna une adresse à cinq cents mètres d’ici. Je clignai des yeux. Que faisait Marie-Josephte au manoir un dimanche matin? La propriété lui appartenant, ce n’était donc pas complètement inattendu, mais elle prenait toujours soin d’annoncer ses visites.

– Et renforce les cercles de protection avant de sortir.

Elle raccrocha sur cette inquiétante demande.